Sur les violences du Trocadéro
[…] Mieux, je regarde ce que le foot devient. J’observe ces équipes métissées, babélisées, où l’on parle plus d’une langue et où le lien avec le national, le local, l’esprit de clocher, ne tient plus qu’à un fil, le meilleur, celui du nom.Je compare au foot d’il y a vingt ans. Je me rappelle l’époque où l’ultranationaliste et futur criminel contre l’humanité Arkan était le patron des supporters du plus grand club de Serbie et où l’exact équivalent existait côté croate.
Et je me dis que les choses vont, de ce point de vue, plutôt dans le bon sens : extinction lente du mirage ethnique ; réduction des chauvinismes afférents ; mise en suspens, peut-être même, de l’un des ressorts, partout ailleurs, du populisme le plus crasse – y a-t-il tant d’autres lieux que le stade où, selon la formule consacrée, 22 millionnaires peuvent se produire sans être ni lynchés, ni insultés, mais adulés ? […]
S’il y a une nouveauté dans ce qui s’est produit la semaine dernière et qui, sans aucun doute, se produira encore, s’il y a quelque chose à retenir dans l’attitude de ces gangs en train, maintenant qu’ils savent que le roi est nu, c’est-à-dire que la police est impuissante, de faire boule de neige et de devenir masse, c’est ceci – qu’il faut se garder, pour le coup, de sous-estimer. Le vandalisme pur. La barbarie à visage barbare. […]
Les casseurs d’aujourd’hui, qui pourraient, ce qu’à Dieu ne plaise, devenir les terroristes de demain, n’ont plus de projet du tout. Tels les voyous publics dont Nietzsche disait qu’ils étaient la force qui monte dans les grandes métropoles démocratiques modernes, ils vivent dans le temps mort de la simple rage de rompre, donc, ce qui fait lien entre les hommes. […]