Venue du Bénin, la jeune femme sans papiers était devenue l’esclave d’un couple pendant près de 18 mois. Jeudi, elle s’est retrouvée face à eux devant la Justice
Christelle Agnamey est originaire du Bénin ; Andro Kouny, du Togo. La première est préparatrice en pharmacie ; le second, agent de sécurité.
À Talence, dans la banlieue bordelaise, où ils résident, ils ont la réputation d’être des gens généreux.[…]
Sofiatou, la jeune femme assise non loin d’eux dans la salle du tribunal correctionnel, ne fera jamais l’éloge de cette hospitalité. Pendant près de dix-huit mois, entre 2009 et 2011, elle a vécu comme une ombre dans l’habitation du couple. Profession : « bonne à tout faire ». Les enfants, la cuisine, le ménage.
« Ce n’est que de l’entraide, on l’a hébergée le temps que son mari la rejoigne », assure Christelle Agnamey. « Elle était en transit », renchérit son compagnon.
Poursuivi pour travail dissimulé dans des conditions contraires à la dignité humaine, le couple persiste à dire qu’il n’a fait que rendre service. […]
La jeune femme a été contactée par une amie d’enfance de Christelle Agnamey. Elle a accepté, espérant que la France lui offrirait la possibilité de faire soigner sa fille, atteinte d’une grave maladie. Andro Kouny se déplace alors à Cotonou de manière à ce qu’elle puisse récupérer de faux papiers. Devant le consulat de France, elle rencontre un certain « Charles », spécialiste entre autres des visas Schengen.
Son passeport est confisqué par le couple dès qu’elle arrive dans l’Hexagone. Sans titre de séjour, tétanisée par la peur d’être arrêtée, elle ne risque pas de s’enfuir.
La voisine du couple, une Ivoirienne employée dans une clinique, flaire l’aubaine. Elle lui colle son fils à garder pendant une brève période. Sans bourse délier ou presque. Les policiers ont calculé qu’elle avait payé Sofiatou 0,28 € de l’heure !
L’expérience a endurci Sofiatou. Via une autre filière de faux papiers, elle parvient à obtenir un précieux sésame et à revenir clandestinement dans l’Hexagone. Ce n’est pas elle qui frappera quelques mois plus tard à la porte de ceux qui l’avaient exploitée, mais les policiers !
Jeudi soir, le tribunal correctionnel, présidé par Caroline Baret, a condamné Christelle Agnamey et Andro Kouny à 12 mois de prison avec sursis chacun et au versement de 10 000 euros de dommages et intérêts.
Sofiatou, qui dispose désormais d’un titre de séjour provisoire, s’apprête à les assigner aux prud’hommes pour obtenir le paiement des salaires qu’ils lui doivent. La chance est peut-être enfin en train de tourner.