L’examen de sociologie a commencé il y a moins d’une demi-heure. Par deux ou trois, en un flot continu, des étudiants quittent déjà l’amphithéâtre 4 de l’université de Perpignan. Copie blanche rendue. Ils ne sont venus que pour signer la feuille de présence et continuer à bénéficier de leur bourse. “Nous, direct, on signe on s’en va. Ici, on est payés à rien foutre.” Ilyes, Ryan, Dylan, trois compères à la démarche chaloupée, assument, débonnaires, leur stratégie de survie par temps de crise.
“On a la bourse, on travaille de partout au noir, on s’en tire avec 1 500 euros facile.”
La sortante suivante, pressée, court sur talons compensés. “J’ai rendez-vous chez le coiffeur, au Leclerc de je sais plus où.” Puis viennent deux blondes qui préparent le concours d’infirmière. “La prépa coûte cher…” Assises en rang d’oignon, Sarah, Fara, Sabrina, Samia et quelques autres, moitié apprêtées comme des starlettes de téléréalité, moitié voilées, n’ont pas davantage passé l’examen. Elles redoublent la première année de sociologie (“C’est pas intéressant, ça mène à rien.”) après un bac professionnel secrétariat et une admission refusée en BTS, travaillant de-ci de-là “au KFC” ou dans le ménage.
(…) D’autant qu’à Perpignan, où les plus défavorisés sont souvent enfants de l’immigration maghrébine, le Front national fait recette… “Dans les examens, on commence à percevoir des regards de classe, de rancoeur, entre les jeunes de milieu très populaire et ceux des classes moyennes ou populaires stabilisées. A l’université, lieu de mixité, on entend désormais des propos porteurs de racisme”, s’inquiète Eliane Le Dantec, maître de conférences en sociologie. “Ceux-là, ils sont là pour profiter. Ils ne cherchent même pas de travail”, nous ont glissé plus tôt deux jeunes filles, devant la porte ouverte de l’amphithéâtre, en désignant quelques garçons d’origine maghrébine installés sur la droite.
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