« La Hollande offre une leçon salutaire de ce qui peut arriver à une économie riche et sophistiquée victime d’une baisse de l’offre de crédit à la suite d’une bulle après qu’elle a perdu le contrôle de sa devise, de la banque centrale et des leviers monétaires », affirme Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph.
Beaucoup de gens assimilent les Pays Bas aux autres économies cotées triple A de la zone euro, mais le pays est en récession depuis 2011. Le chômage augmente aussi rapidement qu’à Chypre ; il a doublé sur les deux dernières années, et il est passé de 7 ,7% à 8,1% sur le seul mois de mars.
Pourtant, sur le fond, l’économie est saine. Le compte courant est excédentaire de 8,3% du PIB et le taux de l’épargne est de 26%. Mais le Japon pouvait aussi se targuer d’une situation de ce type lorsqu’il a été piégé par les suites de l’éclatement de sa bulle immobilière.
Le pays souffre depuis longtemps d’une pénurie de l’offre de logements. Cela a conduit les politiciens à prendre des mesures pernicieuses qui ont conduit à la formation d’une bulle immobilière. Selon les régulateurs, la valeur moyenne des crédits comparés au bien acquis a atteint jusqu’à 120%. En Hollande, on souscrivait souvent un emprunt pour 125% de la valeur de la maison, pour qu’il permette également de couvrir les différents frais associés à l’acquisition, et parfois même, l’achat simultané d’un nouvelle voiture.
La possibilité de déduire les intérêts des emprunts des revenus imposables a également favorisé le recours massif à l’endettement, et parfois, à emprunter plus que le revenu ne le permettrait. Les intérêts ont ainsi représenté 60% du prêt. En conséquence, le ratio d’endettement des ménages hollandais par rapport à leur revenu a atteint 266% en 2010, le taux le plus élevé de la zone euro, et l’un des plus hauts du monde.
Le prix de l’immobilier a chuté de 18%, et un quart des emprunteurs se sont retrouvés dans une situation où la valeur de leur bien est tombée en deçà de la valeur du crédit restant à rembourser. Et ce n’est pas fini, puisque Standard & Poors prévoit que le marché immobilier devrait encore s’effriter de 5,5% cette année, et que la baisse devrait se poursuivre en 2014.
Pour l’instant, peu d’emprunteurs ont été contraints de vendre, ce qui est heureux, car les banques se trouvent dans une situation délicate. Leur ratio des prêts comparés aux dépôts est de 183%, alors qu’il est de 70% aux Etats Unis, de 100% en Allemagne, et de 120% en Grande Bretagne. Privées du volant de liquidités qu’auraient pu fournir des dépôts plus importants pour financer ces prêts, elles sont obligées de se refinancer massivement sur les marchés financiers dans un contexte de méfiance.
En février, le gouvernement hollandais a procédé à la nationalisation de SNS REALL, la quatrième plus grande banque du pays qui menaçait de faire faillite en raison de ses prêts immobiliers.
Evans-Pritchard estime que la BCE aurait dû maintenir une politique accommodante qui aurait permis une croissance de 5% par an dans la zone euro. Mais la BCE a préféré adopter une politique monétaire restrictive, qui a aggravé les difficultés des banques et conduit à l’émergence d’un phénomène de trappe à liquidités, similaire à ce qui s’est produit au Japon dans les années 1990. En mars, l’agrégat M3 de la masse monétaire s’est contracté. On est très proche d’une situation de déflation. Ces restrictions ont provoqué une baisse du PIB nominal dans plusieurs pays, assorti d’une hausse de l’endettement public comme privé. L’aggravation des dettes et des intérêts correspondants est la raison pour laquelle on ne peut se permettre de laisser le PIB se dégrader, rappelle-t-il.
Bien sûr, les pays qui souffrent de cette situation pourraient décider de s’assembler pour forcer la BCE à changer de politique, malgré les protestations de la Bundesbank. Mais ils renâclent à offenser l’Allemagne, soutien de l’euro. « Eh bien, acceptez votre sort, alors », conclut le journaliste.