Dans cette modeste revue hebdomadaire, je me propose de vous faire découvrir quelques uns des grands noms de la musique française écrite, du IXe au XXe siècle, en vous présentant une pièce par semaine.
Sans souci d’exhaustivité, mais en m’efforçant de n’oublier aucune tendance de fond, je vous invite à ce formidable voyage dans le temps, où l’histoire de cet art rencontre celle de notre pays. Je tenterai également de ne rentrer dans les détails techniques que dans la mesure où ceux-ci s’avèrent capitaux pour la compréhension du style d’un compositeur ou d’un style particulier.
Nous commençons aujourd’hui avec une pièce de chant Grégorien. La légende attribue la création du chant Grégorien au Pape Grégoire le Grand, ayant vécu au VIe siècle, mais les débats continuent à ce sujet.
Le chant grégorien est le plus souvent inclus dans le rite Catholique Romain.
Vers 1011, l’Église Catholique Romaine souhaite standardiser la messe et le chant. À cette époque Rome était le centre religieux de l’Europe de l’ouest et Paris en était le centre politique. L’effort de standardisation consista principalement à combiner les rites liturgiques Romains et Gallicans (issu de la Gaulle).
Ces chants deviennent connus comme des chants Grégoriens. Au XIIe siècle et XIIIe siècle, le chant Grégorien a remplacé toutes les autres traditions de chant occidentales à l’exception du chant ambrosien à Milan et du chant mozarabe dans certaines chapelles espagnoles.
Le chant Grégorien frappe par une caractéristique évidente: il est « monodique », autrement dit, il ne comporte qu’une seule voix, d’où une certaine monotonie, propice au recueillement. Il s’agit d’un chant religieux qui résonne dans les monastères et abbayes.
Sa richesse repose, non pas sur la combinaison de plusieurs notes jouées ou chantées en même temps, mais sur la richesse d’une seule mélodie, les ornements de cette dernière, et le rythme.
L’autre facteur de cette impression de monotonie est l’emploi d’un seul « mode » (échelle de notes) par chant.
Autrement dit, une échelle de 7 notes, est choisie au départ, et ne change pas tout au long du chant.
Voici le Veni Creator, dont on pense qu’il fut écrit par Rabanus Maurus, au IXe siècle.
Il est traditionnellement chanté durant l’office de la Pentecôte, à l’occasion des Tierces et Vêpres.
Ce chant a été utilisé comme matériau thématique par divers compositeurs très éloignés dans le temps, et aussi divers que Mahler (8e symphonie), Hindemith (final du Concerto pour orgue et orchestre) ou encore Penderecki (motet pour choeur mixte).
Voici une version de ce chant:
L’on peut reconnaître le mode de Sol pour la première partie, qui se termine a 2.44. Pourquoi?
Pour être sûr de reconnaître un mode, il faut attendre la « finale » (note finale), qui donne le mode utilisé. C’est le cas à 2.44.
Pour simplifier, disons que ce mode de Sol est l’ancêtre de notre mode majeur, bien qu’il ne comporte pas de « sensible » (dernière note du mode à ½ ton de la « finale »), mais un intervalle de ton (fa/sol). Afin d’avoir une idée de ce mode, il suffit de jouer sur les touches blanches d’un clavier de piano une gamme qui part d’un sol pour arriver au sol une octave au dessus.
Chaque mode possède sa couleur propre, ainsi que des certaines tournures mélodiques caractéristiques, notamment en début de pièce.
Quant-à l’écriture en « neumes », le petit signe au début est une clé d’ut (do), et les notes se lisent comme en notation moderne en ce qui concerne les hauteurs. Pour le rythme et les notes groupées, c’est un peu différent. Je me proposerai d’aborder le sujet la semaine prochaine.
En vous rappelant de lointains souvenirs de solfège, vous pourrez retrouver les notes à partir de ce « do » (troisième ligne en partant du bas). Et au fait, à cette époque, la portée ne comporte que quatre lignes!
Petit à petit, le chant Grégorien s’effacera devant le chant « polyphonique » (à plusieurs voix), à partir du XIIe siècle, tout en restant pourtant vivant jusqu’à aujourd’hui dans certaines communautés religieuses. Son caractère mystérieux et introspectif lui a fait traverser plus de mille ans d’Histoire. De nombreux enregistrements sont encore effectués aujourd’hui.
Pour les mordus d’histoire de la musique, l’article de Wikipédia, très documenté, apporte une foule de précisions.