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La réglementation européenne met en émoi la Haute-Provence en associant huiles essentielles et produits chimiques. C’est la mort annoncée du pays s’insurgent les lavandiculteurs et distillateurs…

La lavande est loin d’être fleurie, mais les fourches pourraient se lever plus tôt que prévu. En Haute-Provence, c’est le branle-bas de combat. Et cet été les commissaires européens feraient bien d’éviter les montagnes au ton bleuté entre Drôme, Vaucluse, Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes s’ils veulent passer leurs vacances au calme…

Les premiers à avoir sonné l’alarme, ce sont les parfumeurs de Grasse. Une réglementation européenne visant à limiter les allergènes dans les parfums venait de leur tomber sur “le nez”. Ainsi la quantité de géraniol contenue dans les parfums devait être réduite à une dose infinitésimale. Autant dire interdite. Or cette molécule, c’est elle qui fait le charme de la rose.

À Bruxelles, les commissaires européens ont ensuite concocté le règlement REACH. REACH c’est l’acronyme savant d’enRegistrement, Évaluation et Autorisation de produits Chimiques. Une jungle d’articles qui, mis bout à bout, associent aux produits chimiques les plantes et les huiles essentielles qui en sont extraites. Et obligent la filière à se lancer dans une foule d’études toxicologiques et éco-toxicologiques.

À Saint-Sauveur-Gouvernet dans la Drôme profonde, Francis Vidal et Paul Chauvet ne décolèrent pas. Les deux lavandiculteurs tempêtent contre les “crânes d’œuf bruxellois qui considèrent que l’huile essentielle est un produit industriel dès lors que la plante est passée par la distillerie”. “Il n’y a aucune transformation, explique Francis Vidal, c’est un entraînement à la vapeur d’eau, rien de plus”. Pour eux “Bruxelles fait fausse route, le distillateur n’est pas un fabricant”.

 “On n’est pas des empoisonneurs”

Leur jeunesse, leur vie et celle de leurs enfants, c’est la lavande. Alors associer l’huile essentielle issue de la plante à un produit dangereux, ils ne l’encaissent pas. Pas plus que cette histoire d’allergènes. “La réglementation dresse une liste de 140 composants des huiles essentielles considérés comme étant allergènes, c’est de la folie” s’emporte Francis Vidal.

REACH veut imposer un étiquetage drastique avec “des seuils d’information pouvant aller jusqu’à 0,01 % pour les produits qui restent sur la peau” s’étonne Paul Chauvet. “En réalité, cela revient à fixer sans le dire un seuil d’interdiction, explique Francis Vidal. Le N°5 de Chanel riche en jasmin naturel va en prendre un coup”.

S’ils ne sont pas contre la transparence, ni l’information du consommateur, les lavandiculteurs craignent pour leur image à travers une réglementation soupçonneuse : “On n’est pas des empoisonneurs” lâchent-ils.

Le maquis du règlement REACH prévoit un étiquetage différent en fonction de l’usage de l’huile essentielle. “Or explique Philippe Soguel le président du collège des distillateurs à la Fédération, l’huile essentielle est multi-usages, parfum, arôme alimentaire, nettoyant, produit de confort. Comment donner la composition exacte et fixer un usage propre à une huile” s’interroge-t-il. L’Europe voudrait que chaque huile essentielle ait sa carte d’identité : “C’est ignorer que la plante change en fonction du sol, de l’exposition au soleil, du temps”, regrettent les lavandiculteurs.

Convaincus des vertus médicinales de l’huile essentielle de lavande Francis Vidal et Paul Chauvet racontent avec l’accent chantant l’histoire édifiante des 4 voleurs. Ils avaient détroussé les morts de la peste sans être contaminés. Comment avez-vous fait ? leur avait demandé la maréchaussée. On s’est enduit d’huile de lavande, avaient répondu les brigands.

“On a évité le pire”

Chez Bontoux S.A. une société qui emploie 65 salariés à Saint-Auban sur l’Ouvèze, ce n’est pas sur les légendes locales que l’on s’appuie mais sur le savoir-faire maison : “On n’a pas attendu REACH pour savoir ce que contiennent nos huiles essentielles”, explique Claire Delbecque la chimiste chargée du département Recherche et du Développement. D’autant que selon elle, afficher individuellement sur l’emballage chaque molécule ne signifie pas grand-chose : “Ce qui compte c’est l’association des molécules et leur dosage”.

En attendant, Bontoux S.A. fait ses comptes : le programme REACH qui en est au stade de l’évaluation a déjà coûté une centaine de milliers d’euros à l’entreprise. “La sécurité du consommateur est louable et défendable, reconnaît Claire Delbecque mais on arrive à des extrêmes qui dépassent toute logique”. Son verdict est sans appel : “REACH n’est pas adapté aux huiles essentielles”.

Il y a quelques mois, Michèle Rivasi la députée européenne écologiste a poussé la porte de la Commission à Bruxelles : “On a gagné une première bataille, la réglementation s’applique au-delà d’une tonne et on a évité l’interdiction pure et simple de certaines molécules comme la coumarine, on a évité le pire”. Reste l’étiquetage : “S’il y a de nombreuses molécules, l’emballage renverra à un site internet” rassure-t-elle. Avant d’ajouter : “Mais c’est quand même le minimum du minimum que le consommateur sache s’il y a des risques”. Même si pour les lavandiculteurs, “la montagne est couverte de lavande sauvage depuis des millénaires et on n’a jamais entendu dire qu’elle ait tué quelqu’un”.

ledauphine.com

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