Le 9 avril 2013, Rickey Lynn Lewis est exécuté au Texas. Il avait été adopté par un couple français de militants abolitionnistes. Deux mois plus tard, leur combat continue. Quelques mois avant leur première rencontre en 2003, le couple commence à échanger des courriers avec Rickey. À Pâques, alors qu’ils viennent rendre visite à un de leurs enfants installé à Houston, ils en profitent pour se rendre à la prison où est incarcéré Rickey. Rickey Lynn Lewis était accusé d’avoir tué un homme en 1990, au cours d’un cambriolage.
À partir de cette rencontre, tout s’enchaîne. Le couple rentre en France, récolte 25.000€ (soit 30.000$) grâce à une association afin de payer un avocat. Celui-ci tente alors d’obtenir la qualification de «retard mental» pour Rickey. Aux États-Unis, selon un décret de la Cour suprême de 2002, les retardés mentaux ne peuvent pas être exécutés. Pour obtenir cette qualification, un simple calcul de QI est effectué. S’il est inférieur à 70, alors la personne est qualifiée de retardée mentale et échappe à la peine de mort. «Notre expert a trouvé 59. Mais l’experte du procureur, elle, a trouvé 79», indique René Sirven.
(…) Naïfs ? Les Texans les ont quelques fois qualifiés ainsi. Mais ils avaient conscience que leur fils adoptif n’était pas un «enfant de chœur». Battu et violé par son père et son oncle, livré à lui-même dès son plus jeune âge, il a ensuite reproduit ces actes de violence dans sa vie d’adulte. «C’est comme ça qu’il participe à ce cambriolage en 1990», ajoute René Sirven, lucide. «Je comprends que certaines personnes puissent être révulsées. Sauf que ce n’est pas cet homme que j’ai connu.»
(…) Derrière cette histoire, un débat beaucoup plus important. Celui de l’abolition de la peine de mort. Celui de la situation des Noirs au Texas. Celui des pauvres face à la justice américaine.
Car René Sirven l’affirme, si Rickey avait été riche, il aurait peut-être obtenu la prison à vie ou même la liberté, «comme OJ Simpson». Or dans cet État du Sud, les Noirs – qui représentent 10% de la population totale et 40% de la population carcérale – connaissent souvent violence et pauvreté. Si Rickey avait été blanc, il n’aurait peut-être pas été jugé coupable aussi rapidement. «C’est le pire cas de figure qui puisse exister : un Noir qui tue un Blanc. Dans le cas contraire, les statistiques le montrent, les juges sont plus conciliants. Ou alors c’est une simple coïncidence, mais je ne crois pas.»
Sur l’ensemble des exécutions qui ont lieu aux États-Unis, un tiers ont lieu Texas, un des dix derniers États à pratiquer la peine de mort. «On sent que les Texans ont peur», estime René Sirven après de nombreux allers-retours dans cet État républicain. «Ils s’accrochent à la peine de mort comme à une sécurité.» Là-bas, la plus grande partie de la population est pour la peine de mort. Il faut dire que dans cette région l’économie tourne autour du système pénitencier. Huntsville compte 38.000 habitants, 7 prisons, et entre 15.000 et 18.000 prisonniers. Au moins un membre de chaque famille travaille dans le milieu carcéral. Difficile d’être contre la peine de mort dans un tel contexte. Pour preuve, le jour de l’exécution de Rickey, seul un groupe d’une dizaine de personnes était venu protester.