Le mouvement de contestation continue de s’étendre au Brésil, malgré les concessions faites sur le prix des transports. Notre correspondante a recueilli des témoignages de manifestants à Rio de Janeiro.
Par Anne Vigna
Le mouvement de contestation sociale continue de prendre de l’ampleur jeudi au Brésil avec des manifestations dans 100 villes du pays. Depuis Manaus en Amazonie jusqu’à Porto Alegre au sud, les Brésiliens ont continué les protestations, malgré l’annonce, par 12 grandes capitales que les prix des transports publics allaient baisser de 0,20 reals; une des revendications originales du mouvement. Paroles de manifestants, à Rio, devant le stade Maracana.
Monica, 22 ans, étudiante en médecine:
“Les transports ne sont qu’une des revendications. Nous luttons également contre le gaspillage de l’argent public, la corruption et pour que l’éducation et la santé reçoivent une vraie attention. Le Brésil est un grand pays, un pays riche mais nos services publics sont misérables, c’est pour cela que nous sommes dans la rue”.
Monica comme beaucoup de jeunes, vit ses premières manifestations. A ses côtés, Antonio, jeune professeur de 34 ans explique pourquoi le mouvement est né au moment de la Coupe des confédérations:
“Je crois que le gouvernement ici à Rio de Janeiro s’est moqué de nous avec l’organisation du Mondial.
Ils ont dépensé un milliard de reals rien que pour le stade Maracana et maintenant, ils nous annoncent qu’ils vont le donner en concession au privé. Et au même moment, ils ferment des écoles publiques. C’en est trop
et j’imagine que c’est la même chose ailleurs car c’est la première fois qu’il y a des manifestations sur tout le territoire.”
La plupart des manifestations se sont déroulées dans une ambiance festive mais certaines ont ensuite dégénéré. Les casseurs n’étaient pourtant pas nombreux à Rio et les gens ont jugé que la réaction de la police a été une nouvelle fois disproportionnée.
Mauricio, 57 ans, commerçant, rentrait tranquillement de la manifestation quand il s’est retrouvé pris sous les feux de la police. Gaz lacrymogènes dans l’air et balles en caoutchouc ont sifflé près de lui:
“Cette police est une honte, vraiment et ce sont eux qui vont protéger les gens pendant la Coupe du monde! Ce n’est pas possible, je ne comprends pas que l’Etat ne les forme pas mieux. Car vraiment ce sont des sauvages, ils nous ont attaqué alors que nous rentrions et que tout le monde était pacifique.”
La police a attaqué plusieurs bars où des manifestants s’étaient réfugiés. Les yeux rougis, la gorge qui pique, Mariana, 40 ans, fonctionnaire de la mairie de Rio, avait encore du mal à croire ce qu’elle avait vécu:
“on est censé être sortis de la dictature il y a 30 ans et ce soir je me demande si c’est vrai”.
Avec un groupe d’amis, elle manifeste depuis 13 jours à Rio et dit qu’elle ne va pas s’arrêter: “si les autorités pensent que la violence policière va nous calmer, ils se trompent grandement. Au contraire, ma colère a redoublé et mon énergie est intacte”. Installée à une table de café, une bouteille de vinaigre dans une main, son portable dans l’autre, elle poste déjà sur sa page Facebook les photos des agressions de ce soir.
“On ne va plus se laisser faire, ajoute-t-elle, et on attend même pas que les médias nous informent. On fait tout, tout seuls…”
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