« L’antiracisme sera au 21e siècle ce que le communisme a été au 20e siècle. » – Alain Finkielkraut
La récente polémique déclenchée par Nydia Dauphin en rapport avec la caricature de Boucar Diouf par Mario Jean au gala Artis n’est pas un phénomène isolé. Cette saga n’est pas entièrement déconnectée des accusations de racisme et d’intolérance envers le Québec après la décision d’interdire le port du turban sur les terrains de soccer de la province. Cet épisode médiatique est plutôt un reflet de notre époque. Le symptôme est beaucoup plus profond qu’une simple question de racisme, car le symptôme remonte au changement fondamental dans notre pensée occidentale qui s’effectue depuis mai 68. (…)
50 ans plus tard, l’évolution de cette même accusation de racisme envers l’occident nous mène à Alain Finkielkraut et l’antiracisme du 21e siècle. Il faut comprendre que le discours de Nydia Dauphin n’en est pas un simplement axé sur un racisme, qu’elle croit être omniprésent au Québec. Ce que Dauphin fait,
c’est bel et bien le procès de l’Occident – de l’homme blanc pour dire les choses comme elles sont -,
au travers de ses accusations envers la Belle province, qui n’est pas si belle d’après ses dires. (…)
Pire, les Québécois feraient preuve de racisme quand, en se défendant de tenir de tels propos, ils utilisent la défense de «l’ami noir» pour démontrer leur ouverture d’esprit et légitimer une parole ou critique quelconque. Dauphin n’utilise donc que des banalités et des observations personnelles, qui, n’étant pas fausses, ne constituent pas une analyse en profondeur ou contextuelle. Il est facile d’accuser en se basant sur quelques observations que l’on croit universelle. Et surtout, on peut facilement transformer ces observations aléatoires et subjectives en vérité universelle lorsqu’on se croit porteur, voire investi, de cette toute puissante vérité.
Malgré cela, si l’auteure est maladroite dans son argument, elle n’est pas innocente et elle démontre une grande intelligence, car elle comprend mieux l’enjeu du débat que la plupart de ceux qui s’efforcent à prouver que le Québec n’est pas raciste comme l’auteur le prétend.
Les «activistes» antiracisme n’ont pas besoin de démontrer la justesse de leurs accusations ou même la logique derrière ces accusations, car les activistes antiracisme prennent simultanément le rôle de procureur, de juge et de juré . Nul besoin de démontrer le fondement de ces accusations, car l’accusation est dévastatrice au point où la réaction maintenant spontanée dans notre société consiste à s’excuser, à demander pardon et finalement à dire qu’on a été mal compris, que nos paroles ont été mal interprétées. Non pas que les accusations sont mal fondées et portées de l’avant par motifs politiques.
Dans ce procédé, l’accusateur n’a plus besoin de justifier ses accusations comme un procureur véritable devrait le faire pour que sa cause soit entendue dans une cour de justice, avant même qu’il puisse espérer une condamnation durant un procès.
Car on se prosterne et on se plie pour éviter l’ostracisme social qui suit toutes accusations de «racisme» et, du même coup, nous légitimons le rôle autoproclamé de gardien de la moralité par ces «activistes».
On fait même fausse route quand on croit que Nydia Dauphin et ceux qui tiennent un discours similaire oeuvrent tout de même pour l’amélioration de notre société et des relations entre ses citoyens en combattant le racisme. Non seulement, Mathieu Bock-Côté à bien démontré comment ce discours victimaire et ethnicisé démontre un retour paradoxal du discours identitaire ethnique que Dauphin critique, mais ce qui se cache dans le discours antiraciste est bel et bien le renouvellement de celui-ci, une sorte d’autorégénération du concept de l’identité comme basé sur l’ethnicité. Le philosophe français Jean Baudrillard démontrait le paradoxe de la lutte antiraciste:
« SOS-Racisme. SOS-baleines. Ambiguïté: dans un cas, c’est pour dénoncer le racisme, dans l’autre, c’est pour sauver les baleines. Et si dans le premier cas, c’était aussi un appel subliminal à sauver le racisme, et donc l’enjeu de la lutte antiraciste comme dernier vestige des passions politiques, et donc une espèce virtuellement condamnée.» (…)