François Hollande s’y est engagé de nouveau jeudi dernier : foi de Président, le chômage entamera une décrue durable d’ici la fin de l’année. A première vue, l’engagement a tout du piège, le nombre de demandeurs d’emploi étant en augmentation continue depuis plus de deux ans, et aucune grande institution économique ne prévoyant une inversion du mouvement.
Pour 2013, l’Insee anticipe la destruction de 113.000 emplois dans le secteur marchand. Parallèlement, la population active – composée des individus disponibles pour le travail, qu’ils aient ou non un emploi – devrait augmenter de 119.000 personnes.
Et pourtant, l’idée n’est pas aussi folle qu’elle en a l’air. En annonçant une nouvelle dose de contrats aidés, le gouvernement s’est donné peut-être les moyens de gagner son pari avant la fin de l’année.
113.000 emplois perdus + 119.000 actifs en plus = 232.000 emplois à trouver
Pour faire reculer le chômage, il faudrait donc créer plus de 230.000 emplois cette année. Une chose est sûre : à court terme, ils ne viendront pas de la croissance, attendue à -0,1% sur l’année par l’Insee, alors qu’elle devrait dépasser +1,5% pour créer de l’emploi.
92.000 emplois aidés supplémentaires + 100.000 emplois d’avenir = 192.000 nouveaux emplois
Dans l’immédiat, le seul levier est le «traitement social» du chômage. C’est-à-dire des politiques publiques telles que les contrats aidés, encadrés et appuyés financièrement par l’État au bénéfice des demandeurs d’emploi de longue durée ou, par exemple, des jeunes en difficulté. Après les avoir maintenus au même niveau que 2012, soit 390.000, le gouvernement a annoncé début juin qu’il allait en créer 92.000 supplémentaires en 2013. Quant aux emplois d’avenir, nouveau type de contrat aidé subventionné à 75% par l’État destiné aux jeunes peu ou pas qualifiés, François Hollande et Jean-Marc Ayrault en ont fixé l’objectif à 100.000.
21.000 contrats de génération + 15.000 postes créés par le CICE = 36.000 nouveaux emplois
En ce qui concerne les contrats de génération, l’autre grand dispositif du gouvernement qui aide à embaucher des jeunes en maintenant l’emploi des seniors, l’exécutif espère franchir la barre des 75.000 en 2013. Un chiffre dont il faut cependant déduire les effets d’aubaine, c’est-à-dire les créations d’emploi qui étaient de toute façon prévues par les entreprises. Le phénomène est difficile à quantifier, mais l’OFCE estime les créations «nettes» d’emplois à 21.000. Quant au crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) – un cadeau fiscal de 20 milliards pour les entreprises – il permettrait la création de 15.000 postes cette année.
192.000 + 36.000 = 228 .000 nouveaux emplois prévus
Additionnés, les effets de tous ces dispositifs donnent un total de près de 230.000 créations d’emplois, tout juste ce qu’il faudrait pour stabiliser l’évolution du chômage.
Un autre facteur va jouer : les 30.000 formations «prioritaires» de demandeurs d’emploi que le gouvernement compte mettre en place dans les quatre mois suivant la rentrée de septembre, pour répondre aux offres non pourvues faute de candidat compétent. Les chômeurs concernés quitteraient ainsi les catégories A (aucune activité), B et C (temps partiels) de Pôle Emploi pendant la durée de la formation – puis définitivement si celle-ci était bien suivie d’une embauche.
Dans le même temps, l’Unedic prévoit que la hausse du chômage ralentisse à la fin de l’année : au dernier trimestre, le plus dur sera passé. Après les 100.000 inscrits supplémentaires en catégorie A au premier trimestre, elle se limiterait à 26.000 au troisième trimestre, et à moins de 5.000 au quatrième. Une quasi-stagnation qu’un petit coup de pouce aux contrats aidés pourrait suffire à transformer en baisse.
Dans ces conditions, la droite aurait beau jeu de crier à l’entourloupe. Elle a d’ailleurs déjà commencé, Jean-François Copé dénonçant un «plan caché» de François Hollande qui «consisterait, de manière artificielle, à faire baisser les statistiques du chômage en multipliant les contrats aidés dans le secteur public». Réponse du ministre du Travail, Michel Sapin : «Ce qui permet de créer de l’emploi durable, c’est la croissance, l’activité des entreprises. Mais pendant que la croissance est en panne, on fait quoi ? On compte les chômeurs sans rien faire? Pendant la crise de 2008, la droite au eu recours massivement aux emplois aidés et nous ne l’avons pas critiquée pour cela.»
Pour réussir son pari, François Hollande devra cependant compter sur la coopération des collectivités locales, concernées au premier chef par les emplois d’avenir. On verra également si les contrats aidés débouchent, pour leurs bénéficiaires, sur une insertion pérenne dans l’emploi. Enfin, si baisse du chômage il y a, il faudra qu’elle soit durable, car c’est un autre élément de la promesse du Président.
Libération
(Merci à Rob In Hood)