(…) Dans ce texte achevé lors du solstice d’hiver, en ce Noël 2012, Dominique Venner rédige un véritable livre-testament. Il importe de s’attarder sur le sous-titre de l’ouvrage : Le Bréviaire des insoumis. Lui, « historien méditatif » comme il se définit, fut dans sa jeunesse un partisan convaincu. Il s’engagea dans l’armée, fut parachutiste, embarqué dans ce que le gouvernement de l’époque appelait « les événements d’Algérie », qu’il perçoit comme « une petite guerre médiévale ». La défense de l’Algérie française l’amena, pour cause d’OAS, à connaître la prison. Le partisan fut considéré comme un factieux. « Cette immersion totale dans l’action m’a forgé et m’a fait comprendre et penser l’histoire de l’intérieur, à la façon d’un initié et non comme un érudit obsédé par les insignifiances ou comme un spectateur dupe des apparences », écrit-il. Au début était l’action.
Dominique Venner devint une figure exemplaire du militant. Il chantait la gloire de l’Occident et fut naturellement taxé d’être d’extrême droite. Le combat idéologique n’a que faire d’analyses subtiles. De fait, Venner ne tarde pas à prendre ses distances avec la chose politique. Par un étrange paradoxe, il aurait pu adopter le slogan anarchiste proclamant « Ni Dieu, ni maître ».
Il s’est déjà insurgé, à travers de nombreux ouvrages, contre la marchandisation de l’être qui devient un objet avalé par son désir éperdu de consommation. Le vieux débat entre l’être et l’avoir est plus que jamais de circonstance. Venner dénonce une société dévorée par « la voracité démente du système financier, les menaces d’un conflit de civilisation sur notre sol ».
Fin connaisseur d’Ernst Jünger, il apprécie Sur les falaises de marbre,Orages d’acier, La Guerre notre mère. Le samouraï d’Occident se fait un historien méditatif à la recherche du sens et prônant l’action. Pour lui, la lutte est inhérente à la vie.
Dans un de ses chapitres joliment intitulé « La métaphysique de l’illimité », ce chercheur d’éternité qui se bat contre la décadence hédoniste de notre société trouve chez Homère un immense enseignement. La vaste saga de l’Iliade et de l’Odyssée narre les tribulations de l’homme confronté à son destin. Le destin, autrement dit l’avenir, n’est pas dû à l’intervention de quelques divinités farceuses mais bien indifférentes. Il se trouve dicté par le choix et l’engagement des protagonistes. En des pages illuminées, Dominique Venner nous invite à renouer avec nos racines profondes nourries de toute la sagesse de la Grèce antique. Homère, en son immense chant, fait l’apologie de l’abnégation, source du stoïcisme. Cette conception du monde s’oppose radicalement au message christique dont saint Augustin fut un illustre chantre.
Venner prône l’ascèse, il chante la rigueur et l’énergie, sources de toute dignité. Rude attitude qui n’est pas sans une hautaine grandeur. Le sacrifice est au bout du chemin d’une existence choisie et assumée. On peut encore aujourd’hui se sacrifier pour son idéal.
On se doit de prêter une oreille attentive à ce seigneur si élégant dans son style, si fin dans ses analyses et si rebelle à l’air émollient du temps.