Le cabinet d’analyse Economist Intelligence Unit (EIU) a publié un classement des villes les plus chères du monde en termes de coût de possession d’une automobile. Moscou s’y classe en huitième position. Selon cette étude, acheter et entretenir une voiture dans la capitale russe revient plus cher qu’à Paris, Londres, Tokyo, New York et Zurich. Mais moins cher qu’à Shanghai, Sao Paulo, Dehli.
Pour leur enquête, les chercheurs de l’EIU se sont basés sur le prix moyen d’achat d’une nouvelle voiture familiale (avec un volume moteur de 1,8l à 2,5l), ainsi que sur les coûts d’usage et d’entretien et les dépenses en combustible. Il s’avère que l’acquisition d’une nouvelle automobile familiale coûte environ 34 000 dollars à Moscou contre, à Londres par exemple, à peu près 30 000 dollars. Quant à l’entretien d’une voiture sur trois ans, les économistes britanniques en ont estimé le coût total à une moyenne de 17 000 dollars à Moscou, pour, à New York disons, près de 11 000 dollars.
Parallèlement, les chercheurs britanniques se sont penchés sur la dynamique d’évolution des coûts liés à l’automobile dans plusieurs grandes villes du monde. Pour Moscou, le mouvement semble encourageant : au cours des trois dernières années, l’indice a baissé de 18 % (il n’a baissé que d’1,5 % à Londres, et, à Paris et Tokyo par exemple, il a même augmenté de, respectivement, 13 et 3 %).
À l’heure actuelle, les voitures coûtent moins cher aux États-Unis qu’en Russie. Un cross-over Suzuki Grand Vitara, par exemple, est aujourd’hui proposé à moins de 20 000 dollars sur les sites des concessionnaires officiels américains, soit une demie fois moins cher qu’en Russie, où il coûte plus de 30 000 dollars.
En Europe également, les voitures haut de gamme coûtent moins cher qu’en Russie. Par exemple, la BMW série 7 est proposée, en Allemagne, à 138 800 euros (5,6 millions de roubles), alors qu’elle se vend, en Russie, un million de roubles de plus : 6,6 millions de roubles. En France, on trouve l’Audi A8 à 86 500 euros (3,5 millions de roubles) ; en Russie, elle est vendue 3,9 millions de roubles.
Dans le même temps, les automobiles de classe économique coûtent souvent plus cher en Europe qu’en Russie. La Peugeot 308 série Allure, par exemple, est vendue en France 23 750 euros (961 000 roubles). En Russie, le même véhicule de même série coûte aujourd’hui 20 % moins cher : 790 000 roubles.
Mais si en Europe, les prix de base des automobiles sont souvent plus élevés, les frais liés y sont moindres. En premier lieu, cela concerne, évidemment, le taux de crédit automobile. Les 14-15 % de la Fédération de Russie ne tiennent aucune comparaison avec les 4–5 % européens, et d’autant moins avec le taux américain de 2–3 %.
Les calculs des assureurs ne sont pas non plus au bénéfice de la Russie. Une assurance de type casco pour un automobiliste expérimenté revient, en Allemagne, à 600 euros par an. En Russie, il faut débourser une fois et demie à deux fois plus cher. Quant à l’entretien, un service technique de base chez un concessionnaire officiel pour une voiture de classe moyenne coûte, en Allemagne, 500–700 euros, soit peut-être même plus cher que dans les services russes officiels. Cependant, les petits garages allemands proposent ce service pour 30–50 euros.
Mais pourquoi cela coûte-t-il si cher, en Russie, de rouler dans sa voiture personnelle ? Si on parle des États-Unis, les fabricants expliquent la différence si criante dans les prix des nouvelles voitures à l’achat par la spécificité du marché américain : les volumes globaux de ventes d’automobiles en Amérique du Nord sont cinq fois plus importants qu’en Russie, et les revendeurs peuvent donc faire du bénéfice sur leur chiffre d’affaires.
Une autre explication du coût élevé des voitures en Russie : les droits de douane importants sur les véhicules importés. On le sait : à l’heure actuelle, il faut payer au Fisc 20 à 25 % du prix initial de la voiture. À quoi s’ajoutent des dépenses de logistique également élevées.
Les fabricants étrangers qui produisent des automobiles en Russie justifient les surcoûts par la nécessité de revenir sur leurs investissements dans des usines en Fédération.
Quant au contrôle technique, autant les fabricants que les concessionnaires auraient pu, ici, modérer leurs appétits. En effet, les constructeurs automobiles établissent souvent en Russie des temps de parcours entre contrôles pas toujours justes. Alors qu’il n’est pas rare, en Europe, que les automobiles puissent être présentées au contrôle technique au bout de 20 000 kilomètres de route, en Russie, les fabricants exigent que les voitures passent au centre de contrôle technique tous les 10-15 000 kilomètres.
Ils invoquent les « conditions difficiles en Russie ». Cependant, même les mauvaises routes et un combustible pas toujours de qualité ne peuvent expliquer de telles disparités avec l’Europe. Il semble évident que le lobbying en faveur des intérêts des concessionnaires nuit à ceux des clients.
Les prix des pièces détachées, enfin, sont démesurément élevés en Russie. « Les pièces de rechange coûtent en moyenne de 20 à 30 % plus cher en Russie que dans les autres pays, constate Mikhaïl Kulyabine, directeur de la société EMEX, un gros fournisseur russe indépendant de détails automobiles.
Selon nos chiffres, les ampoules, que l’on trouve pour 10 dollars aux États-Unis, sont vendues plus de 40 dollars chez les concessionnaires officiels. Ou bien cet exemple tout à fait scandaleux : une pompe à injection haute pression pour Toyota Land Cruiser diesel est officiellement vendue en Russie 200 000 roubles, ou 6 500 dollars. Dans les Émirats arabes, cette même pièce coûte moins de 2 000 dollars. »
Pour Mikhaïl Kulyabine, un tel gonflement des prix des pièces détachées est lié au fait que la législation anti-monopole fonctionne mal en Russie. En Occident, les autorités surveillent sévèrement les constructeurs et les empêchent de limiter la vente de pièces détachées par des producteurs indépendants. À l’inverse, en Russie, personne ne vient freiner les constructeurs et concessionnaires automobiles dans leur course aux surprofits sur les pièces détachées.