Tribune de Hiacham Benaissa (Chercheur au sein du Groupe sociétés religions et laïcités (GSRL)) et Sylvain Crépon (Sociologue, chercheur associé au laboratoire Sophiapol de l’université Paris-Ouest-Nanterre) sur la laïcité dans les entreprsies.
Inclure de la diversité, c’est aussi inclure de la diversité religieuse, une composante qui se révèle être un effet secondaire d’une politique plus globale.
Il semble que le «mois sacré» commence cette année en France sous des auspices qui se veulent plus apaisés que par le passé. François Hollande n’a-t-il pas déclaré devant le Parlement tunisien, le 5 juillet, que «la France sait que l’islam et la démocratie sont compatibles» ? […] Quelle est alors la particularité de cette problématique aujourd’hui ? La question ne manque pas de surprendre, alors que, tant dans le monde économique que dans celui de la politique, l’heure est à louer les bienfaits de la diversité, celle-ci étant même parfois présentée comme une plus-value pour l’entreprise. […]
La réalité sociale est telle aujourd’hui qu’on ne peut plus faire semblant de ne pas la voir.
Or il semble difficile de vouloir recruter quelqu’un parce qu’il est “Autre” pour en faire du “Même”, de le différencier d’abord pour l’indifférencier ensuite. Les entreprises naviguent à vue sur cette question, aussi parce qu’elles se retrouvent coincées entre deux discours : la neutralité et la diversité. Ce sont deux discours qui s’énoncent en s’ignorant, et s’annulent parce qu’ils s’ignorent.
La promotion de la diversité a ainsi pu constituer un levier paradoxal favorisant la manifestation du fait religieux dans les entreprises, mais sans qu’elle l’assume tout à fait. La contradiction est de surcroît accentuée par le fait que, comme vient de le rappeler la Cour de cassation à propos de l’affaire Baby Loup, le principe de neutralité ne s’applique pas dans les entreprises privées, ce que beaucoup d’entrepreneurs confrontés à des manifestations religieuses dans leur société ont du mal à concevoir, même si le droit du travail régule l’expression religieuse.
A ce paradoxe prêtant à de multiples confusions, il faut ajouter le fait que depuis une dizaine d’années on a cessé d’identifier les personnes issues de l’immigration maghrébine et leurs descendants en termes ethniques («Maghrébins», «Arabes») pour les identifier en termes religieux : les «musulmans». […]
Le Monde