La ville de Detroit est en faillite. La municipalité a demandé à se placer sous la protection du chapitre 9 du «Banruptcy code», une mesure qui lui éviterait de rembourser son énorme dette, qui l’asphyxie, de 18,5 milliards de dollars. Dans trois mois, un tribunal décidera si la ville, berceau de l’industrie automobile américaine, y est éligible. Si c’est le cas, sa dette sera restructurée, négociée avec les créanciers, et au final étalée dans le temps et le montant probablement abaissé.
Pour autant, cette décision n’est pas sans conséquence. Par exemple, les salaires des employés municipaux seront probablement baissés, tout comme le niveau des retraites des anciens employés. Les investissements seront au point mort, les services publics réduits à leur plus simple expression, etc. Comment la ville en est-elle arrivée là? «Pour Detroit, c’est la double peine: la ville a subi de plein fouet la désindustrialisation et la crise du secteur automobile et du coup, en soixante ans, elle a perdu la moitié de sa population (passant de 1,8 million d’habitants en 1950 à 700.000 aujourd’hui), diminuant les impôts et autres taxes perçues par la municipalité», explique le professeur à Sciences-Po, Thomas Snégaroff. Et c’est bien connu, la dette, «c’est exponentiel: on emprunte encore plus pour rembourser, et à des taux plus importants vu que sa note est dégradée», ajoute-t-il.
«Il n’y a pas de droit des faillites en France»
Une telle situation est-elle possible en France? «Non», tranche Olivier Langer, délégué général de l’Association des communautés urbaines de France. «Non seulement il n’y a pas de droit des faillites pour les collectivités locales en France, mais arriver à un tel niveau de dette est impossible en France en raison de tous les pare-feu en amont», explique-t-il.
En effet, les mairies doivent voter chaque année un budget obligatoirement en équilibre, c’est-à-dire que le total des dépenses doit couvrir le total des recettes. «Il ne peut donc y avoir de cessation de paiement» comme à la municipalité de Detroit, fait valoir André Laignel, maire d’Issoudun et vice-président du comité des finances locales.
Quant aux emprunts, ils ne peuvent concerner que l’investissement et non des dépenses de fonctionnement. Et ils sont limités selon les capacités de la commune. En moyenne, les villes empruntent pour 25% de leurs investissements. Ces règles expliquent que «les collectivités locales ont une santé financière solide», explique Olivier Langer. «Avec tous ces filtres, nous avons un des systèmes les plus vertueux», confirme André Laignel.
Pourtant, des communes se sont toutefois retrouvées en difficulté lorsqu’elles ont contracté des emprunts toxiques, en voyant leurs intérêts augmenter de manière exponentielle. Par exemple, la ville d’Argenteuil s’est retrouvée en 2011 avec une dette de 200 millions d’euros pour un budget de 50 millions d’euros annuel. «Mais le problème n’est pas le stock de la dette. C’est le budget annuel qui est consacré à cette dette, l’annuité de la dette», insiste Olivier Langel.
Comme le budget est en équilibre forcément, si les intérêts augmentent, la ville devra rogner sur d’autres dépenses, mais elle ne sera pas en faillite. «On peut être très endetté mais tout ce qui compte, c’est la capacité à rembourser», ajoute Olivier Laignel. Et pour les communes qui ont des emprunts toxiques, 200 à 300 sur 36.000 communes selon André Laignel, un fonds spécifique a été créé, abondé par l’Etat et les banques.
Mise sous tutelle de la préfecture
Et il est impossible que la ville ne vote pas son budget en équilibre, car dans ce cas-là, c’est «le préfet, donc l’Etat, qui prend la main», rappelle le délégué général de l’Association des communautés urbaines de France. En fait, chaque année, «il y a un contrôle préfectoral des budgets et des comptes administratifs de chaque commune, au centime prêt. Et si une collectivité s’endette de manière accélérée, une procédure d’alerte est lancée», explique André Laignel. Et si vraiment les comptes de la commune dérapent, la chambre régionale des comptes impose la mise sous tutelle par le préfet.
C’est à ce moment que les mesures radicales peuvent être prises pour obtenir ce budget en équilibre: hausse des impôts locaux de 15 à 20%, arrêt de certains travaux ou investissements, renégociation de la dette. C’est souvent douloureux pour les habitants.