En se focalisant sur la croissance du PIB au 2e trimestre, on peut se réjouir de la sortie de récession de l’économie française. Mais l’emploi a continué de se dégrader tout comme la production. Et l’investissement des entreprises, indispensable pour relancer l’activité et faire baisser le chômage, est orienté à la baisse.
On trouve tout, dans les statistiques. Ce qui peut donner lieu à des interprétations contradictoires. Ainsi, l’augmentation de 0,5% du PIB (produit intérieur brut) en France au 2e trimestre 2013 annoncée par l’Insee le 14 août a été copieusement saluée et abondamment commentée dans les médias après que Pierre Moscovici, ministre de l’Economie, se soit réjoui de ce «très net rebond» qui «confirme la sortie de récession de l’économie française».
Le PIB progresse mais l’emploi continue de se dégrader
Toutefois, le même jour, cet institut produisait une autre estimation qui, toujours sur le 2e trimestre, indiquait un nouveau recul de l’emploi de 0,2% dans les secteurs marchands non agricoles, soit un repli trois fois supérieur à celui observé au 1er trimestre. Pas de quoi pavoiser: sur un an, d’après le ministère du Travail, 118.200 emplois salariés ont encore été perdus.
La fameuse sortie de récession au deuxième trimestre n’aura donc pas permis d’inverser la tendance. Rappelons que, en France métropolitaine, près de 3,28 millions de personnes étaient inscrites fin juin comme demandeurs d’emplois, soit 11,2% de plus qu’un an plus tôt.
Ainsi, selon que l’on considère la statistique du PIB ou celle de l’emploi, publiées le même jour, on aura une vision bien différente de la situation de l’économie française. Cette divergence s’explique: pour que l’emploi redémarre, il faut d’abord que l’activité reprenne. La progression du PIB semblerait donc annoncer de prochaines tendances plus favorables pour l’emploi, et on pourrait espérer être entré dans un cercle vertueux.
Pas de rebond de la production
Mais là encore, l’analyse est complexe. Car pour qu’une économie crée de l’emploi, il faut que la croissance soit de toute façon supérieure à 1%, voire 1,5%. L’économie française en est encore loin. D’autant que si l’on considère la production manufacturière, elle a continué à réculer et a baissé de 0,4% en juin.
Certes, sur le 2e trimestre, elle aurait un peu augmenté (de 1,5%) par rapport aux trois premiers mois de l’année, mais elle se situerait toujours en dessous de son niveau du 2e trimestre 2012. Pas très réconfortant.
Ainsi, même si toute bonne nouvelle est bonne à prendre, l’économie française apparaît encore bien loin de retrouver un rythme de croisière susceptible de lui assurer une croissance qui permettrait de résorber le chômage, objectif prioritaire du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Même si les dernières recommandations du FMI (fonds monétaire international) conseillent à la France de modérer sa politique d’austérité pour ne pas asphyxier la reprise, donnant quitus à la stratégie de François Hollande, le pays n’est pas encore sorti de la crise. Et il ne faudrait pas, sous prétexte d’amélioration tendancielle, réduire les efforts nécessaires pour améliorer la compétitivité de l’économie avant même qu’ils commencent à produire leurs effets.
La France loin des meilleurs élèves européens
D’autant que la France est loin de faire partie des meilleurs élèves de l’Europe. Certes, au 2e trimestre, elle affiche une progression supérieure à celle de 0,3% de l’Union européenne par rapport au 1er trimestre, selon Eurostat. Mais elle est devancée par l’Allemagne, le Royaume Uni, la République tchèque ou la Finlande… Et sur douze mois, l’économie française avec 0,3% de progression du PIB n’arrive qu’en dixième position dans l’Union européenne.
Le constat est identique pour la production industrielle. Selon les critères d’Eurostat, elle aurait progressé de 0,7% en juin par rapport à mai dans l’Union pour l’ensemble de l’industrie, mais aurait reculé de 1,5% en France. Un bien mauvais score comparé à l’Allemagne (+2,5%) ou à la Pologne (+3,1%) sans même parler de l’Irlande (+8,7%).
Certes, on ne doit pas tirer de conclusions trop hâtives sur un seul mois: c’est une durée pas forcément pertinente compte tenu des cycles de l’industrie. Mais malgré tout et sur un an par rapport à juin 2012, la production industrielle française de juin 2013 affiche un recul de 0,3% selon Eurostat alors que l’Union est à +0,4%, avec des scores bien plus satisfaisant pour l’Allemagne (+2,4%), la Grande Bretagne (+2,1%), la Pologne (+5,3%), la Roumanie (+9,6%) et d’autres encore.
Handicap majeur: l’investissement des entreprises ne repart pas
Dans ces conditions, pour retrouver sa place dans l’Europe et en même temps un rythme de croissance qui la sorte de la crise, l’économie française doit poursuivre ses efforts pour relancer des pans de son industrie trop longtemps délaissés, lorsque la priorité fut laissée aux activités de services. Et inciter les entreprises à investir. Ce qui n’est pas encore le cas.
A titre d’exemple, les PME de l’Hexagone –où se trouvent les créations d’emplois- prévoient d’investir 63 milliards d’euros en 2013, «moins que leurs homologues allemandes et italiennes (respectivement 164 milliards et 79 milliards d’euros), et à peine plus que leurs homologues britanniques qui prévoient d’investir 59 milliards d’euros», souligne le cabinet GE Capital. Ce qui, au final, est préjudiciable à la croissance et à l’emploi.
Plus globalement, selon l’Insee, les chefs d’entreprises de l’industrie manufacturière prévoient pour 2013 une baisse de 4% de leurs investissements par rapport à 2012. Une bien sombre prévision, car c’est par la reprise de l’investissement des entreprises qu’une croissance vertueuse peut être durablement réamorcée, alors que la croissance du PIB du 2e trimestre est seulement tirée par la consommation des ménages.
Ce qui, on le voit, doit inciter à une certaine prudence dans l’interprétation des statistiques et surtout dans leur extrapolation.