La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans les milieux alternatifs. Le Bitcoin, la monnaie 100% virtuelle, vient de se voir décerner la reconnaissance officielle par le gouvernement allemand. Grâce à ce nouveau statut de “monnaie privée”, elle pourra être utilisée en toute légalité dans le cadre des “échanges multilatéraux”. La Grèce va-t-elle recevoir sa prochaine tranche d’aide en bitcoins au lieu d’euros? Pas si sûr…
Le Bitcoin est une monnaie électronique, célèbre dans la communauté “geek” et des défenseurs des libertés. C’est depuis la hausse massive de sa valeur, qu’elle s’est retrouvée sous les projecteurs de l’économie internationale. Mais ne cherchez pas un soudain élan de souplesse des argentiers allemands. L’existence juridique du Bitcoin permettra surtout à l’administration fiscale de récupérer sa part du gâteau. Eh oui, jusqu’à présent les transactions effectuées avec cette monnaie échappaient à l’impôt.
Ainsi, les gains issus d’une vente en bitcoins seront ponctionnés de 25% sur les bénéfices. Au bout d’un an, en revanche, il y aura exonération, indique le Frankfurter Allgemeine. Cela fonctionnera exactement comme la taxation sur les plus-values immobilière. Concernant les entreprises, elles devront intégrer un taux de TVA dans toutes leurs transactions en bitcoins. Du coup, cette monnaie alternative chère aux hackers va perdre un peu de son caractère rebelle…
L’attrait du Bitcoin force les Etats à se pencher dessus
L’Allemagne n’est pas le seul Etat à s’être intéressé de près au Bitcoin. L’Australie et les Etats-Unis semblent aujourd’hui plaider pour une meilleure intégration de cette monnaie dans les flux financiers. Le CFTC (régulateur américain), le GAO (bureau du Congrès américain chargé du Budget), ainsi que l’agence financière Bloomberg ont produit plusieurs études sur le sujet.
A contrario, le FBI et la BCE considèrent le produit comme douteux, tandis que la Thaïlande a carrément banni son utilisation. Les failles de sécurité sont nombreuses: les porte-monnaies hébergés sur Android ont par exemple subi des attaques la semaine passée.
Créée en 2009 par un informaticien du nom de Satoshi Nakatomo (pseudonyme), le Bitcoin s’affranchit de tous les codes qui caractérisent les monnaies modernes. Aucun lien avec les banques centrales, pas d’indexation sur les autres monnaies existantes, absence d’intermédiaires entre les échanges, anonymat des transactions…
Une fois acquis sur des plates-formes semblables à des logiciels de peer-to-peer, les bitcoins peuvent ensuite être utilisés pour réaliser de vraies transactions, pourvu que les vendeurs l’autorisent. De nombreux sites de e-commerce allemands y ont recours. Les jumeaux Winklevoss, connus pour leurs procès contre Mark Zuckerberg, ont même fait la demande pour créer un fonds d’investissement basé sur le Bitcoin. La SEC, le gendarme boursier de Wall Street, devrait prochainement livrer sa réponse.
Valeur refuge ou retour de l’étalon or ?
Il s’échange en août 2013 pour environ 105 dollars. C’est deux fois moins qu’au printemps dernier, au plus fort de crise chypriote: la monnaie alternative avait alors atteint un pic à 266 dollars, après ce retour de la crise de la dette européenne.
C’est logique: en période de turbulences pour les monnaies traditionnelles, les investisseurs cherchent des valeurs “refuges” pour protéger leurs liquidités. La majorité des utilisateurs du Bitcoin ont d’ailleurs tendance à thésauriser leurs fonds (cela revient à “planquer” l’argent, sans l’injecter dans l’économie). Le Bitcoin pour se protéger, donc, plutôt que pour réaliser des profits.
Bien que sans indexation avec le billet vert, le Bitcoin a traditionnellement suivi les tendances du dollar depuis sa création. Cela s’explique notamment par le profil de ses utilisateurs, qui sont 80% à échanger leurs bitcoins avec des dollars (8% des euros, 6% des yuan).
Depuis les annonces par la Réserve fédérale américaine de la fin prochaine de sa politique de soutien, les fluctuations du Bitcoin se sont ensuite corrélées à celles de l’or, une autre valeur “refuge”. C’est ce qui fait dire à l’économiste Paul Krugman (prix Nobel d’économie 2008) que le “Bitcoin réintroduit l’étalon or”, une mesure qui avait été abandonnée dans le monde après la Seconde guerre mondiale.