Les vols dans les champs et sous les serres se banalisent. Ils sont le fait de particuliers dans le besoin ou indélicats, mais également de bandes organisées qui revendent à la sauvette.
Un fléau qui empoisonne la vie des agriculteurs. Si la cueillette sauvage dans les champs et arbres a toujours existé, les producteurs de fruits et légumes sont excédés par la recrudescence de ces vols. «Le phénomène a pris des proportions inquiétantes ces dernières années, qui ne relèvent plus du simple chapardage», s’alarme André Bernard, président de la Chambre d’agriculture du Vaucluse, un département particulièrement touché cet été.
Plus de deux tonnes d’ail ont ainsi été dérobées sur une exploitation de Piolenc en deux nuits au mois de juin. Il y a deux semaines, ce sont plus de 3 tonnes de blé qui ont disparu de bennes pendant les moissons. Des larcins qui alimentent les faits divers à travers le pays. Dans les Pyrénées-Orientales, par exemple, plus d’une dizaine de tonnes de pêches et autres nectarines auraient été volées aux agriculteurs depuis le début de l’été.
«Ces vols à grande échelle nécessitent une logistique de ramassage bien rodée, ainsi que du matériel, comme des camions et des palettes», remarque Bernard Mille, producteur de cerises et de raisins de table à Goult, et président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) du Vaucluse. Selon les producteurs, des bandes organisées orchestrent ces pillages et alimentent un réseau parallèle de vente.
«La marchandise volée est souvent écoulée ‘en vrac’ dans les marchés», explique Charlie Gautier, secrétaire général de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF). Un trafic probablement dopé par les cours des fruits et légumes qui se sont envolés cet été, les mauvaises conditions climatiques du printemps ayant retardé l’arrivée de ces produits sur les étals.
Des touristes qui picorent dans les cerisiers
D’après Jean-François Cartoux, agriculteur dans la ceinture verte avignonnaise, «aucun fruit et légume n’est épargné. Même les moins faciles à récolter, comme les cultures sous serre, sont la cible des cambrioleurs».
Avec la crise, ces cueillettes à la sauvette ne sont pas le simple fait de bandes mafieuses. «Des familles dans le besoin viennent parfois se servir», confie cet exploitant qui produit des salades, melons et tomates. «La hausse des prix n’explique pas tout. La plupart des vols commis par les particuliers sont des actes d’incivilité», relativise Jacques Rouchaussé, président de Légumes de France.
Un constat, «insupportable», que partage André Bernard: «Les gens se disent que, le champ étant rempli de fruits, cela ne se verra pas. Ils ne se rendent pas compte du manque à gagner financier que nous subissons!» Dans sa région touristique de Provence, Bernard Mille a même surpris des tour-opérateurs encourageant des touristes asiatiques à picorer dans ses cerisiers…
Face à ces vols, les producteurs se disent totalement démunis. «Clôturer nos exploitations n’est pas une solution. L’investissement est trop élevé pour des barrières qui risquent, au final, d’être cassées», observe Jean-François Cartoux. Autre point noir: l’indemnisation quasi inexistante. «Les contrats d’assurance sont truffés de clauses complexes. Il n’est pas évident de faire reconnaître le vol.» ajoute Bernard Mille. Les producteurs déplorent surtout «l’impunité» qui entoure et encourage cette forme de délinquance. D’après le code pénal, le vol est pourtant puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.