Sami Battikh, jeune vidéaste, fils d’un père tunisien (musulman) et d’une mère d’origine italienne (catholique) est athée.Il nous explique pourquoi, dans le contexte actuel en France, il se sent solidaire des musulmans, «principales victimes du racisme».
Personnellement, je ne cherche nullement à préserver la culture française originelle (existe-t-elle ?) de toute pseudo-impureté.
Un demi-siècle après la publication de «Eichmann à Jérusalem» [de Hannah Arendt], notre société n’a jamais été si proche de cette époque sombre et nauséabonde. […]
Pour ma part, je n’ai jamais vraiment cru en Dieu. Sensible à la pensée libertaire, j’ai assez vite fait un rejet de toutes les religions. Sans la moindre arrière-pensée raciste, je rejetais les pratiques religieuses, les considérant par essence comme formes d’oppression. Aujourd’hui encore, j’aurais tendance à garder cette approche, probablement simpliste mais assumée, si le danger islamophobe n’était pas si fort. […] Car désormais, l’islam est devenu un point Godwin vers lequel s’aimante l’ensemble des réflexions et discussions de notre société. Pour dénigrer l’autre, on le traite au choix d’islamiste ou d’islamophobe.
Car il faut bien avouer qu’aujourd’hui, se tourner vers l’islam est devenu pour certains une manière de se rebeller contre la société actuelle. A être stigmatisé, traité en indigène dans leur propre pays, certains décident d’entrer dans le jeu bipolaire et de faire un joli “fuck” à cette société bien-pensante qui pense pourtant si mal. Mais ce virage n’est en rien émancipateur ou libérateur et cette rébellion reste inoffensive pour la société ultralibérale. Même s’ils ne l’avoueront jamais, les tenants du système préfèrent voir une jeunesse désœuvrée tomber dans les bras des islamistes que dans ceux des altermondialistes. […]
Cela me plaît qu’on parle arabe dans les quartiers populaires, qu’on y fête les victoires sportives de la Tunisie ou du Maroc (tout comme du Portugal), qu’on y trouve aussi facilement des makroud que du poulet rôti. Je ne considère pas cette évolution de la société comme une menace pour la France.
Je n’ai pas peur que les populations d’origine immigrée prennent entièrement part à la société française, je l’espère même de tout cœur. Je n’ai pas peur que la France se métisse, se mélange et change. Je ne crois nullement à un quelconque danger de l’islam pour les sociétés occidentales. L’islam n’est qu’une religion. […] En attendant, je descendrai dans la rue aux côtés des associations de défenses des musulmans, aux côtés des femmes voilées. Sans aucune gêne ni incohérence. Simplement parce que ces populations, même si elles ne partagent pas mon point de vue libertaire sur la religion, restent les principales victimes du racisme en France. Un racisme de plus en plus généralisé, décomplexé et assumé dans les actes. […] Le Nouvel Obs