Tribune Libre de Paysan Savoyard
La rentrée politique offre l’occasion de se livrer à un peu de prospective et de hasarder quelques conjectures. Risquons nous à l’exercice.
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Désormais centre de gravité de la politique française, le FN a le vent en poupe
Incontestablement la conjoncture est favorable à « l’extrême droite ». La délinquance se poursuit sur un rythme soutenu. Les évènements spectaculaires se multiplient, impliquant dans tous les cas des délinquants d’origine immigrée : Trappes, Brétigny, Marignane, Marseille…
Partout en France, les Roms exaspèrent chaque jour un peu plus. Quant au gouvernement il ne tente même pas d’enrayer ces évolutions et se consacre sans relâche au matraquage des classes moyennes.
Dans ce contexte les partis du Système s’inquiètent, semble-t-il, de la montée du « populisme ». Le PS et ses alliés font de la dénonciation de « l’extrême droite » un leitmotiv (par exemple M. Valls a été fortement applaudi en prenant le Front national pour cible principale lors de l’université d’été des socialistes). La droite également dénonce les « mensonges et les illusions » de l’extrême droite. Comme le dit Marine Le Pen, le FN est devenu le centre de gravité de la vie politique: tous les autres partis ne parlent que de lui.
On peut se demander tout de même si, pour le Front national, il s’agit vraiment là d’une bonne nouvelle. Mettre en cause le Front national est pour la gauche un bon moyen de détourner l’attention des hausses d’impôts et des échecs en matière de sécurité. Pour M. Valls, la dénonciation du FN est une façon d’asseoir son positionnement sarkozyste : « Fermeté et refus de l’angélisme, mais dans la défense des valeurs républicaines ». Pour la droite, la condamnation du Front national lui permet de rôder le discours qu’elle tiendra avant les futures élections : « Voter UMP c’est faire le choix de la fermeté raisonnable, face à l’extrémisme, aux excès et à l’irresponsabilité du Front national ».
En 2014, se tiendront des élections, municipales et européennes. Sa place au centre du débat public et l’accumulation des faits qui ne cessent de lui donner raison permettront probablement au FN d’y faire de bons résultats. Aux européennes certains sondages lui promettent même la première place, devant l’UMP. Aux municipales, le Front national fera élire sans doute de nombreux conseillers et il emportera peut être quelques villes importantes, malgré le scrutin majoritaire qui lui est défavorable (ces villes seront toutefois un cadeau empoisonné: les maires en effet n’ont pas de grands moyens pour régler sans l’État les questions de délinquance, d’immigration ou de lutte contre le chômage et les délocalisations. Par exemple si le FN emporte Marseille, les crimes continueront et ils lui seront imputés).
Les bons résultats prévisibles de 2014 conforteront à n’en pas douter le Front national dans sa stratégie : confirmant son positionnement ni à droite ni à gauche, ce parti continuera à présenter un programme habile, combinant un volet économique plutôt « de gauche », une attitude « républicaine » favorable à l’intégration des immigrés et les revendications « dures » traditionnelles du parti (arrêt de l’immigration et tolérance zéro en matière de sécurité). Fort de ses probables bons résultats électoraux de l’an prochain, le FN restera très présent dans les médias et dans les débats, au coeur de la vie politique.
L’UMP de son côté se disputera longuement et violemment pendant encore des années sur le nom de son candidat pour 2017. Les différents courants de la droite montreront qu’ils n’ont pas grand-chose en commun, sauf l’envie de revenir au pouvoir. Pendant toute cette période, l’UMP donnera l’impression d’être menacé d’une explosion imminente. Dans un tel contexte le FN se sentira pousser des ailes.
- Cela ne l’empêchera pas d’être battu en 2017
Et pourtant en 2017, en dépit de toutes ces circonstances favorables, il se passera la même chose que lors des élections précédentes : le FN sera battu. Les détails ne sont pas absolument écrits bien sûr. Peut-être le FN accèdera-t-il au second tour. Peut-être même sera-t-il en première position à l’issue du premier. S’il parvient au second tour, son adversaire sera peut être le PS mais plus probablement l’UMP : dans les deux cas, le FN sera battu. Il sera battu non plus peut être à 80-20 comme en 2002, mais à 70-30 ou même 65-35. Mais il sera battu. La plupart des électeurs socialistes préféreront voter UMP plutôt que FN si leur parti est éliminé au premier tour ; et il en sera de même pour les électeurs UMP si d’aventure ils sont placés dans la même situation. Les directions des deux partis donneront des consignes en ce sens, parce qu’ils profitent l’un et l’autre d’un jeu d’alternances régulières et garanties que personne n’a envie de bouleverser.
Le Front national perdra pour une raison simple : rien n’empêchera l’UMP de rééditer son coup de 2007 et 2012. Après s’être bien disputés, les leaders UMP serreront les rangs autour du candidat retenu, quel qu’il soit. Quelques mois avant l’élection, ce candidat mettra en avant un discours dur sur l’immigration et l’insécurité, comme en 2007 et 2012. Il sera comme les fois précédentes bien aidé par la gauche, qui dénoncera « la lepénisation de la droite ».
Et les gens préfèreront faire confiance au candidat de droite, même s’ils se doutent qu’il ne fera pas miracle, plutôt que de voter Front national. Parce que, penseront-ils « le FN, qui refuse les alliances, ne peut gagner les élections et n’arrivera jamais au pouvoir ». Parce qu’il « n’a pas les compétences nécessaires pour gouverner ». Parce qu’il vaut mieux de toute façon que le FN n’arrive pas au pouvoir « sinon cela entraînerait des tensions, des affrontements, peut-être même une guerre civile ».
Le FN restera donc au coeur de la vie politique pendant 5 ans. Pendant la campagne de 2017 il sera le parti dont on parlera le plus. Si elle se produit, sa présence au second tour, donnera lieu, comme en 2002, à une dramatisation, à des tensions, à des défilés. Mais le FN sera finalement battu. L’alternance gauche droite se produira certainement, comme depuis 40 ans. L’UMP, probable vainqueur, continuera ensuite en gros la même politique que le PS : immigration, laxisme, mondialisation et délocalisations. Comme depuis 40 ans.
- Une feuille de route pour le FN ? « Immigration, invasion, référendum » !
Y a-t-il un moyen de conjurer cet enchaînement presque mécanique ? On peut se placer quelques instants, pour l’amusement, dans le rôle d’une agence de conseil politique qui serait consultée sur la stratégie du Front national. Dans cette position, on pourrait suggérer à ce parti de modifier rapidement certains éléments de son discours et de ses options tactiques, en insistant sur cette conclusion : s’il ne procède pas à ces ajustements, sa défaite paraît certaine.
Premièrement, Marine Le Pen devrait modifier son style. Il lui faut quitter la posture de l’opposante énergique et de la polémiste pugnace, dans laquelle elle excelle mais qui la bride dans sa progression, pour adopter un style présidentiel.
Dans la perspective d’un second tour où il serait opposé à l’UMP ou au PS, le FN aurait sans doute intérêt également à adopter le moment venu un positionnement stratégique qui lui permette de ne pas être une fois encore écarté du pouvoir (nous n’en dirons pas plus et reviendrons sur ce point en temps utile).
Il faudrait enfin changer de discours, c’est à dire de tactique. Le discours actuel n’est pas le bon. Il met en exergue des thèmes économiques controversés (la sortie de l’euro) auxquels la plupart des électeurs ne comprennent rien et sur lesquels la compétence du FN, à tort ou à raison, suscite un doute. Il met au premier plan une critique de l’Europe qui, aussi justifiée soit-elle, est mal ressentie par un électorat qui reste très majoritairement favorable à « la construction européenne ».
Mais surtout il accorde une place trop faible à la question de l’immigration, en mettant en avant, qui plus est, un discours un peu flou : « Il faut arrêter l’immigration : elle ne doit pas être de plus de 10.000 par an. Mais l’islam et les mosquées ne posent pas de problème en soi et sont compatibles avec la République. Dès lors du moins qu’il n’y a pas de prières de rue, que les mosquées ne sont pas financées par l’étranger et qu’il n’y a pas de soutien au terrorisme ». C’est un propos un peu subtil, un peu nuancé, un peu ambigu, un peu controuvé, un peu dispersé. En décalage complet avec ce qu’attend l’électorat sur cette question de l’immigration : un discours clair, simple et ferme.
Le discours du FN étant trop complexe et nuancé, l’électorat finit par ne pas percevoir nettement ce qui, sur l’immigration, différencie l’UMP et le FN. Pourtant le FN prône l’arrêt de l’immigration légale, tandis que l’UMP parle de « maîtrise de l’immigration » et n’a jamais dit qu’il souhaitait l’interrompre. C’est là une différence majeure entre les deux programmes : le paradoxe est que cette différence n’est pas perçue clairement par l’électorat.
C’est ainsi qu’en 2007 M. Sarkozy n’avait jamais promis d’arrêter l’immigration : mais personne ne s’en est rendu compte. La tonalité de fermeté de son discours a suffi et tout le monde a pensé qu’il reprenait à son compte le contenu du discours du FN. Insuffisamment net, intelligible et ferme, le discours du FN laisse à l’UMP la possibilité de procéder à une captation sans que l’électorat prenne conscience du subterfuge.
Pour essayer de bousculer le jeu et permettre au FN d’espérer gagner face à l’UMP, le discours devrait dès lors évoluer sur trois points :
Il faudrait mettre la question de l’immigration au centre puisque c’est la question majeure, vitale, celle qui conditionne toutes les autres (cela supposerait par voie de conséquence de placer, sans les négliger pour autant, les questions économiques au second plan).
Il faudrait dramatiser l’enjeu. Parler d’invasion, de grand remplacement, de danger de mort pour notre civilisation et pour l’identité de nos peuples européens, de sursaut national nécessaire.
Il faudrait demander un référendum sur l’arrêt immédiat de toute immigration légale (et le renvoi des clandestins et des délinquants étrangers et naturalisés). Marine Le Pen a évoqué une ou deux fois cette idée du référendum mais sans y insister : il faudrait au contraire en faire un élément clé de son discours.
Cet appel au référendum placerait en effet l’UMP dans une situation très difficile. Soit l’UMP serait obligé de s’engager à organiser ce référendum une fois au pouvoir et il s’agirait là d’une victoire stratégique majeure pour les patriotes. Soit la droite choisirait de s’y déclarer hostile : l’UMP révélerait par là même sa duplicité et son vrai visage de parti du système immigrationniste. Les électeurs seraient dès lors placés devant un choix véritable dont les implications seraient claires pour tous : voter FN serait voter pour l’organisation d’un référendum ; voter UMP reviendrait à voter contre. Se dégagerait alors probablement un champ de progression important pour le camp des patriotes.
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Résumons d’un mot. Le Front National aurait intérêt à renoncer à la complexité et à la subtilité d’un propos trop technique et trop dispersé. Il tirerait un grand profit à centrer désormais son discours autour du triptyque suivant : immigration, invasion, référendum.