C’est le quotidien Daily Mail qui dévoile cette histoire rocambolesque qui a sauvé la Grèce, l’euro et l’Europe de la faillite. En sous-titre, résume le journal anglais: “Alors que la Grèce brûle et que ses banques sombrent, l’Union européenne, officiellement et via la Troïka, l’admoneste, exige des réformes et menace de l’exclure ; au même moment, secrètement, elle la ravitaille en argent frais“.
Des Boeing remplis de billets de banque alimentent nuitamment un improbable pont aérien, secrètement déployé pour éviter l’implosion du système. Ceci n’est pas l’extrait d’un roman d’espionnage, mais un fait établi: ces avions sont même peut-être passés au dessus de vos têtes.
Éviter la crise de confiance
Retour en arrière. Depuis 2009, la Grèce est en crise. La population, aux aguets, retire de plus en plus souvent ses économies des banques. Or la Grèce est déjà en manque de liquidités: du fait d’une économie souterraine sur-développée, les Grecs paient le plus souvent en liquide. La monnaie en circulation est ainsi beaucoup plus importante que dans les autres pays membres. Entre 10 et 25 % du PIB, contre 4 à 8% ailleurs. Le directeur de la Banque de Grèce d’alors, Giorgos Provopoulos, raconte:
“Si un tel manque de liquidités avait perduré, il n’y aurait plus eu assez de billets pour faire face à la demande des Grecs de retirer leurs avoirs. L’information selon laquelle les banques n’étaient pas en mesure de rembourser les déposants n’a pas été diffusée. Cela aurait provoqué la faillite des banques, une crise de confiance généralisée, et des conséquences terribles pour l’économie du pays“.
Des billets de 500€ à la rescousse
Ne produisant que des billets de 10€, la Grèce ne peut plus satisfaire aux exigences de sa population. Seules la Bundesbank allemande et les banques nationales d’Autriche et du Luxembourg émettent des billets de 500 €. Volontairement ou non, la Grèce est donc dans l’impossibilité de faire face légalement à ce considérable besoin de monnaie.
L’Union européenne prend alors les devants, sans en référer à aucune instance élue. Sous couvert de mission très spéciale, un pont aérien est établi. Objectif: amener de l’argent frais en Grèce. Au moins 10 milliards entre 2009 et 2011. Autant les années suivantes.
L’opération se déroule en plusieurs étapes. Dans un premier temps, des Boeing géants de l’entreprise MAERSK, transporteur international, ou de plus petits avions cargos, peints aux couleurs bleues et blanches de l’armée de l’air grecque, partent d’Italie, survolent l’Adriatique et les Balkans pour acheminer de fraiches coupures de 100, 200 et 500€.
Tant qu’il y a du cash dans les distributeurs
Puis, par voie terrestre ou maritime, l’argent transite par la Grèce continentale. De Corfou ou de Rhodes, ou de Komotini (à la frontière turque), bateaux ou camions prennent le relais. Un travail qui se fait de nuit, jusqu’à la destination finale des précieuses cargaisons: les banques. Sans que personne ne se rende compte de rien, ni même ne s’interroge sur ces mouvements suspects.
Un observateur témoigne de ce peu de curiosité: “Sous leurs yeux de tous, se déroulait une révolution monétaire. Mais la seule chose qui intéressait le Grec lambda, c’est qu’il y ait de l’argent dans les distributeurs“.
C’est en juin 2011 que l’opération atteint son apogée. La Troïka, exaspérée par le retard dans la mise en œuvre des réformes, menace de couper les vivres à la Grèce en sucrant le prêt de 110 milliards, promis en mai 2010. Tout le monde sait que le pays est à court de liquidités et que cet argent est vital. Ne serait-ce que pour payer les salaires des fonctionnaires et les retraites.
La tension sociale s’aggrave, avec moult grèves et manifestations. Par crainte, beaucoup de riches Grecs retirent leurs avoirs des banques, de 1 à 2 millions d’euros par jour.
“Un jour, un client a retiré 3 millions d’euros de son compte et les a mis dans son coffre-fort” raconte ainsi un employé de banque, sous anonymat. D’autres achètent de riches demeures à Londres ou Genève, à Istanbul aussi.
Même opération à Chypre, sans succès
L’arrivée d’argent frais continue, avec un nouveau pic lors des deux séquences électorales cruciales de 2012, mai et octobre, qui ont voient la victoire sur le fil du parti conservateur.
Un haut cadre de la Troïka (FMI, BCE et Commission européenne), qui supervisait le plan de sauvetage de la Grèce, l’avoue crûment (et anonymement):
“Ce n’était pas une mission pour sauver des vies ou pour sauvegarder la démocratie, comme les fameux ponts aériens de Berlin durant la guerre froide. Là le but, c’était de protéger le système et de faire en sorte que la monnaie unique perdure, envers et contre tout.
Les investisseurs craignaient la contagion à tous les pays du Sud, à l’Italie d’abord, puis à toute la zone euro ensuite, voire à toute l’Europe. Il y aurait eu une panique immédiate. On n’avait pas une minute à perdre. Un ou deux milliards en billets par jour, c’est une somme. Cela devenait un problème industriel”.
En 2012, la même opération secrète a lieu à Chypre mais n’évite pas la banqueroute du système bancaire de l’île. La Grèce, elle, s’achemine vers un troisième plan d’aide. “Avec les élections allemandes ce mois-ci, la vérité se devait d’être révélée, car de nouvelles missions de sauvetage par pont aérien ne sont pas à exclure“, souligne le Daily Mail. Et le journal britannique de conclure: “Turbulences prévues cet automne. Attachez vos ceintures“.
My Europ
(Merci à BA)