Emprunter pour étudier est généralement présenté comme un investissement sur son avenir, une forme de risque limité. Si ce mécanisme permet à de nombreux jeunes de s’ouvrir les portes de formations trop chères pour eux ou leurs parents, il peut aussi être un accélérateur de chute pour ceux qui ne décrochent pas immédiatement un emploi. «On se dit c’est pas grave, on fait un prêt, on arrivera à le rembourser», témoigne Céline, 25 ans.
«On y va un peu tête baissée parce que de toute façon, on est un petit peu emprisonné, il faut avoir un bon CV, il faut faire cet investissement et au final on se rend compte que c’est un investissement très coûteux et pas du tout rentable». Cette franc-comtoise a du emprunter 28.000 euros pour financer son école de communication. À partir d’octobre, elle devra verser des mensualités de 370 euros à sa banque, mais n’a toujours pas décroché de job.
Selon une étude de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE), seuls 6,1 % des étudiants français avaient souscrit un prêt en 2009. Une proportion que la crise a sans doute augmentée. L’Unef, le principal syndicat étudiant, estime ainsi que 8% de la population étudiante au minimum a du contracter un emprunt pour financer ses études. Et beaucoup pensent que les étudiants endettés ont même déjà dépassé la barre des 10%, soit plus de 200.000 jeunes.
«Si j’ai un toit sur ma tête pour les mois à venir, c’est déjà pas mal»
La situation, bien sûr, reste sans commune mesure avec ce que l’on peut observer aux États-Unis. Là-bas, la majorité des jeunes doit emprunter, et le montant des dettes étudiantes accumulées dépasse les 1000 milliards de dollars… La France en est encore loin, mais l’augmentation constante des frais de scolarité dans les écoles de commerce inquiète: 17% des élèves de ces établissements passent par un crédit pour financer leur cursus, selon l’OVE.
Georges, 25 ans, a été admis à la sortie du lycée au Cesem de Reims, une école de commerce post-bac en 5 ans. «Les deux premières années mes parents ont pu payer. Mais j’ai du assumer les trois dernières: 7500 euros par an, plus les autres frais». Georges a ainsi du emprunter 30.000 euros. Son diplôme en poche, il disposait d’un an pour trouver du travail avant de commencer à rembourser des mensualités de 400 euros.
Les espoirs de trouver un poste bien payé se sont vite dissipés, et les échéances l’ont rattrapé. «Je vais être obligé de rester chez mes parents». À l’amertume de ne pouvoir s’émanciper, s’ajoute les regrets. «J’ai fait une école de commerce un peu par hasard. Ce n’est pas ma voie. Mais je suis coincé par ce prêt». Alors qu’il rêve de «partir à l’étranger, en Angleterre pour aller travailler dans un label de musique», il est obligé de rester chez ses parents à Garches, pour trouver du travail et rembourser son prêt. Et s’apprête à travailler dans une agence d’intérim .«Pour le moment je n’ai pas trouvé mieux».
Les banques sont «assez frileuses en matière de rééchelonnement»
Les étudiants confrontés à ces situations sont menacés à tout moment de glisser dans la précarité. «Je ne vais pas noircir le tableau en disant qu’on va survivre mais bon, ça va être le strict minimum», avoue Céline sur RTL .«Si j’ai un toit sur ma tête pour les mois à venir, c’est déjà pas mal; pour le reste on verra après».
Une spirale infernale qu’une renégociation des conditions de l’emprunt peut parfois enrayer. Même si les banques se montrent «assez frileuses en matière de rééchelonnement», selon Christian Kamayou, fondateur du site financestesétudes.com ,beaucoup d’étudiant n’essaient même pas de renégocier leurs prêts. Ils préfèrent, comme Georges «tout faire pour s’en débarrasser le plus vite possible», affirme M. Kamayou. Dans ces cas là, ces prêts qui devaient permettre une promotion sociale «plombent parfois l’horizon».
Le Figaro
(Merci à Lionel)