Franck Fregosi Directeur de recherches au CNRS, répond à la tribune de Philippe D’Iribarne publiée dans Libération «L’islam, religion comme les autres ?»
Aujourd’hui, c’est le voile qui dérange, que leur reprochera-t-on demain ? De jeûner, la non-consommation de porc, la circoncision, le port de la barbe ? A ce rythme, il n’est plus question d’intégration mais bien de domestication de l’islam.
Oui, l’islam est une religion «anormalement» normale… comme les autres). Elle a en France son lot de pragmatiques qui en prennent et en laissent avec la lettre de la religion, ses spirituels peu sensibles aux soubresauts du siècle, ses dévots expansifs et quelques sicaires adeptes du jihad armé, mais aussi ces musulmans sociologiques qui n’ont que des liens ténus avec le Coran. Tous ces musulmans de naissance ou convertis, n’ont pas vis-à-vis de la lettre de la religion la même déférence et tous les pratiquants ne sont pas nécessairement d’accord sur l’étendue de l’application des prescriptions religieuses. Nombreux sont enfin les musulmans sécularisés qui n’entendent pas renoncer à toute forme d’islamité comme l’observance du jeûne ou le fait de porter un prénom islamique bien qu’ils ne prient pas ou consomment occasionnellement de l’alcool !
Renonçons à l’idée que pour voir leur religion pleinement reconnue comme les autres, les musulmans devraient systématiquement abandonner des pratiques, comme le voile, au motif que celles-ci risqueraient de susciter un rejet irraisonné de l’islam. Il ne nous viendrait pas à l’esprit de suggérer aux juifs pieux de France de renoncer à porter la kippa au risque d’alimenter la judéophobie de quelques-uns !
Pourquoi les musulmans devraient-ils être plus «modernistes» que les autres croyants pour apparaître plus dignes de la république ?
De toute façon, des accommodements raisonnables sont toujours possibles (bandana, repas sans porc, horaires de prières aménagés…) mais pas sous contrainte et dans un climat de suspicion généralisée. […]
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