Pour l’écrivain d’origine russe, Gabriel Matzneff, Les valeurs républicaines, des arts et les lettres de 2013 n’ont guère à voir avec celles autrefois enseignées à l’école.
Nous étions petits, mais il n’était pas nécessaire d’avoir l’âge d’étudier à Sciences-Po pour savoir que la France était un pays catholique, et que l’école fût laïque n’effaçait d’aucune façon cette prééminence historique, culturelle du catholicisme dans la société française.
Sous la IVe République, nous autres, garçonnets et fillettes d’origine russe, italienne, espagnole, arménienne, avec nos noms souvent difficiles à écrire et à prononcer, nos parents qui se rendaient régulièrement à la préfecture de police pour le renouvellement de leur carte de séjour, et, pour certains d’entre nous, nos religions réputées exotiques, nous savions, sans que personne au collège, au lycée, nous en parlât, ne pas être des petits Français semblables aux autres. Cela ne nous dérangeait pas outre mesure. Et ceux d’entre nous qui n’étions pas catholiques romains jugeaient naturel le fait que les fêtes religieuses officielles fussent celles de l’Église catholique, que l’aumônier fût un prêtre catholique. […] Nos professeurs étaient volontiers agnostiques, parfois marxistes, mais dans le secondaire ils nous faisaient étudier Polyeucte, lire Pascal et, en classe d’histoire, celle de la France ne commençait pas en 1789. Les rois qui avaient durant 1 000 ans construit la France étaient étudiés, leurs bonnes oeuvres louangées, et, Alexandre Dumas aidant, nous étions nombreux parmi les fils d’émigrés à nous réputer mousquetaires, à nous sentir plus français que d’Artagnan lui-même, et, en cour de récréation, à galoper en criant «Vive le roi !» Il faut dire qu’à l’époque on ne nous cassait pas les oreilles avec «les valeurs de la République». […] M. Peillon m’objectera que l’époque du président Hollande n’est plus celle des présidents Auriol et Coty, qu’aujourd’hui les enfants d’immigrés ne sont plus des petits Européens, qu’espérer faire aimer Louis XIII et les mousquetaires, l’histoire de France, Alexandre Dumas, à de jeunes Maghrébins est une illusion, que ce qu’il faut à ces gens-là, ce sont des terrains de football et des lois qui interdisent aux professeurs de parler de Dieu, de l’Église, de Jeanne d’Arc, de saint Vincent de Paul, de la victoire de Rocroy. […] Le Point