Mais vous, cher lecteur, qui aviez des grands-parents à la campagne, ou qui avez eu des « leçons de choses » à l’école primaire, vous savez que le poulet n’a jamais été un animal végétarien, et encore moins un consommateur de maïs ! Le snack préféré de la poule, c’est un ver de terre dodu. Donnez-lui la couenne de votre jambon, elle sera au ciel!
Si vous lui en laissez la liberté, votre poule passera sa journée à gratter la terre à la recherche d’asticots, d’insectes. Si elle n’en trouve pas, elle picorera des herbes, des plantes vertes, des petites pousses, des racines, et, occasionnellement seulement, des graines.
C’est ce qu’il faut à une poule pour être heureuse, en bonne santé, et faire de bons œufs. Mais encore faut-il pour cela qu’elle ait l’occasion de sortir !
Poulets d’usine « élevés en plein air »
Tout l’art du marketing est de jouer avec des expressions qui trompent le consommateur, sans en avoir l’air.
Ainsi, au supermarché, vous avez remarqué que vous pouvez acheter des œufs de poules « élevées en plein air ». Sur l’emballage, la photo d’une belle cocotte rousse picorant à son aise dans un pré d’herbe verte et grasse, par temps ensoleillé.
Or, voici ce qu’impose la législation pour avoir droit au label « élevées en plein air » :
« En journée, accès à un parcours extérieur en majeure partie recouvert de végétation (4 m2 de terrain par poule). »
Eh bien je prétends que seul l’expert en marketing détectera le piège caché sous cette formule.
Le débutant lui, même soupçonneux, s’inquiètera de ce que la poule ait droit à un accès, non à une prairie en herbe, mais à un simple « terrain » recouvert « en majeure partie » de végétation, le reste pouvant être des gravats ou du béton.
Il aura raison de s’inquiéter de ça. Mais en réalité, le vrai piège se trouve dans l’expression « accès à un parcours extérieur ».
Imaginez un hangar de 150 mètres de long en tôle ondulée, rempli de milliers de poules serrées comme des sardines. L’odeur est à vomir. Le bruit assourdissant. Les poules sont dans un état de stress, et d’agressivité tels, qu’elles se battent constamment, s’arrachant les plumes, se piquant les yeux et se griffant. Certaines ont des membres cassés. Vous ne pouvez vous aventurer dans ce hangar sans protections spéciales.
Sur le mur de ce hangar, trois plaques amovibles de 40 cm de côté, au ras du sol, qui sont retirées chaque matin par l’exploitant. Eh bien voilà : cela suffit pour que les poules puissent être déclarées avoir « accès » à un « parcours extérieur » !!
Techniquement, on pourrait imaginer qu’un certain nombre de poules, en effet, sortent. Le problème est que, les poussins étant nés eux-mêmes dans des hangars fermés, ils n’ont jamais vu la lumière du jour et ils ont peur de sortir ! Malgré « l’accès » vers l’extérieur, il se peut que la très grande majorité des poules « élevées en plein air » n’oseront jamais mettre le bec dehors.
Manger des œufs bio ?
Depuis 2004, tous les œufs vendus dans le commerce sont obligatoirement codés. Un petit tampon est appliqué sur chaque œuf comportant notamment un numéro :
3 : poules élevées en cage, à éviter absolument.
2 : poules élevées au sol, dans un hangar sans voir le ciel une seule fois de leur misérable existence. A éviter également.
1 : poules élevées en plein air, nous avons vu ce que cela signifie. A éviter.
0 : œuf bio. Les poules ont pu sortir, elles ont bénéficié d’abris et de végétation sur le parcours extérieur ; à l’intérieur du hangar, le nombre de poules est limité, avec une densité plus faible ; enfin, elles ont bénéficié d’une alimentation biologique à 90 % minimum.
Désolé de vous décevoir mais, pour moi, le chiffre 0 ne suffit pas. De plus en plus, se développent des installations industrielles respectant sur le papier les critères du bio et produisant les œufs par millions.
On reste très loin de l’élevage traditionnel des poules, seul à même de garantir l’œuf véritable de nos grands-parents, reconnaissable entre mille dans l’assiette. En 1950, la France comptait des millions de fermes en activité. Dans chacune d’elles, il y avait un poulailler, avec quelques dizaines de poules, qui bien souvent pouvaient se promener aux alentours librement. Tous les œufs consommés dans ce pays étaient produits de cette manière.
La seule bonne manière de produire des œufs est celle-là. Cela signifie pour vous que l’idéal est d’acheter vos œufs chez un producteur bio que vous connaissez, et qui exploite en effet un élevage de poule à taille normale. Rendez-vous dans une ferme près de chez vous, si vous habitez la campagne : le fermier vous fera visiter ses installations avec joie, s’il n’a rien à cacher.
Un bon éleveur de poules surveillera la nourriture de ses poules, s’assurera qu’elles ont de l’eau fraîche et propre, assez d’espace, une bonne ventilation dans le poulailler. Celui-ci devra être nettoyé très régulièrement.
Les poules bien soignées, elles, pondront des œufs dont le jaune est foncé. Grâce à leur bon système immunitaire, elles ne seront pas infectées par la salmonelle. Plus les œufs sont frais, plus le blanc est visqueux.
La meilleure façon de manger ses œufs
Maintenant que vous avez acheté de vrais œufs, comment les préparer pour en conserver toutes leurs vertus nutritionnelles ?
La pire façon est de les cuire trop fort et trop longtemps, jusqu’à ce qu’ils deviennent caoutchouteux. Vous altérez la structure des protéines de votre œuf en le cuisant trop, ce qui peut provoquer des allergies.
La meilleure façon est de manger les œufs… crus.
Je vois d’ici les grimaces de dégoût, et de déception. Mais attendez la suite.
Cru ne veut pas dire que vous devez manger vos œufs tels quels. Vous pouvez les mélanger à une boisson comme un jus de fruit ou un smoothie.
Une recette célèbre et généralement très appréciée à base d’œufs crus est la mousse au chocolat :
Prenez 6 œufs et 200 grammes de chocolat noir bio. Faites fondre le chocolat tel quel au bain-marie. Séparez les blancs des jaunes, et montez les blancs en neige. Lorsque le chocolat fondu a un peu refroidi, mélangez-y les jaunes. Puis ajoutez à ce mélange les œufs en neige, délicatement, sans les casser. Versez dans des ramequins individuels que vous laisserez une nuit au frigo. Vous pouvez bien sûr rajouter des fruits secs, mais ni sucre, ni farine, ni beurre ne sont nécessaires.
Je certifie personnellement que cette recette est diététique, quoi qu’en pensent les terroristes qui voudraient nous priver de tous les bonheurs de l’existence « pour notre santé ».
Les autorités vous conseilleront au contraire de bien cuire vos œufs pour éviter la salmonellose. Mais ce risque concerne surtout les poules élevées dans de mauvaises conditions et, même dans ce cas, seul un œuf sur 30 000 est contaminé, ce qui fait que votre risque est vraiment faible.
Pas de quoi justifier de vous priver des bienfaits nutritionnels des œufs crus.
Si vous décidez malgré tout de cuire vos œufs
Si vous tenez absolument à manger des œufs cuits, la meilleure manière est de les manger à la coque, cuit à faible température (80 °C). Nul besoin en effet que l’eau soit bouillante, puisque l’œuf coagule entre 70 et 80°C. Suivant la taille de votre œuf, 4 minutes environ suffiront pour obtenir la texture parfaite : votre blanc d’œuf doit être crémeux, votre jaune juste chaud et onctueux.
Mais vous pouvez aussi faire des œufs brouillés, au bain-marie. Le résultat final doit être une crème à peine plus épaisse que la crème Montblanc, et vous pouvez y ajouter toutes sortes d’ingrédients pour la parfumer : champignons ou épices bien sûr, mais aussi fines herbes et petits légumes.
Je vous garantis que, après quelques tentatives, cette façon de préparer les œufs brouillés est un pur délice.
Spécial femmes enceintes
La consommation d’œufs crus n’est pas conseillée pour les femmes enceintes car le blanc d’œuf contient de l’avidine, qui se lie à la biotine, une substance dont les femmes enceintes sont souvent déficitaires.
Si vous êtes enceinte, vous pouvez faire des examens pour mesurer une éventuelle déficience en biotine et prendre des compléments alimentaires, ou alors ne manger cru que le jaune de l’œuf.
Pour les passionnés de nutrition
Voici enfin quelques informations qui intéresseront les passionnés de nutrition, et qui expliquent pourquoi manger des œufs crus est meilleur pour la santé.
Les œufs bios produits de façon traditionnelle contiennent un tiers de cholestérol en moins, un quart de graisses saturées en moins, deux tiers de vitamine A en plus, deux fois plus d’oméga-3, trois fois plus de vitamine E et sept fois plus de béta-carotène que les œufs de poules en batterie.
De plus :
Les protéines présentes dans un œuf sont des “protéines complètes”, car elles contiennent les huit acides aminés essentiels, c’est-à-dire ceux que l’organisme ne peut fabriquer lui-même. Les acides aminés essentiels sont en proportions équilibrées (c’est la raison pour laquelle les œufs sont utilisés comme référence pour l’évaluation de la qualité des protéines et des teneurs en protéines des autres aliments).
Le jaune d’œuf de poule contient quant à lui de la lutéine et de la zéaxanthine, de la famille des antioxydants, qui protègent notamment les yeux de la cataracte. Ces substances risquent d’être détruites par la cuisson. Riche en choline, le jaune d’œuf augmente et protège la mémoire. Sa teneur en acide folique est intéressante surtout pour les femmes enceintes afin de prévenir de la spina bifida (malformation de la moelle épinière du bébé). Il contient enfin du phosphore et du zinc.
Le jaune d’œuf ne fait pas grimper le taux de cholestérol
Dans les années 80, le jaune d’œuf fut injustement accusé de faire grimper le taux de cholestérol. Aujourd’hui, on sait que le taux de cholestérol sanguin a peu à voir avec le cholestérol alimentaire, car il est fabriqué par le foie, à partir du sucre.
N’oubliez pas que le cholestérol n’est pas un poison : chaque cellule de votre corps a besoin de cholestérol. Il contribue à fabriquer de la membrane cellulaire, des hormones, de la vitamine D, des acides biliaires pour digérer les graisses. Le cholestérol aide aussi à former des souvenirs et il est indispensable aux fonctions neurologiques. Le cholestérol de l’alimentation est votre ami.
De plus, de nombreuses études concluent que les œufs ne font de toute façon pas monter le taux de cholestérol. Par exemple, des recherches publiées dans le International Journal of Cardiology (1) ont montré que chez les adultes en bonne santé, manger des œufs tous les jours ne déclenchait ni d’effets négatifs sur les fonctions endotheliales, ni une hausse des taux de cholestérol.
C’est donc en toute tranquillité d’esprit que vous pouvez manger six œufs par semaine en essayant des recettes variées et délicieuses.
(1)International Journal of Cardiology, 10 mars 2005; Volume 99, Issue 1, pages 65-70
Vert Solidaire