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Si l’immigration continue d’alimenter le débat en France, la question de l’émigration est, elle, nettement mois souvent évoquée. Pourtant, comme nous le montre André Bercoff dans son livre « Je suis venu te dire que je m’en vais ! », face à une croissance atone et des perspectives d’emploi peu réjouissantes, un nombre non négligeable de Français font le choix de quitter le pays, en quête d’un avenir meilleur. Et contrairement à une idée répandue, il est très loin de s’agir uniquement de riches exilés fiscaux.

JOL PRESS : Quelle est l’ampleur du phénomène d’émigration que vous décrivez ?

André Bercoff : Il y a, aujourd’hui, 1 600 000 Français inscrits dans les consulats dans le monde entier. Mais dans le mesure où beaucoup de Français partant à l’étranger ne s’inscrivent pas dans les consulats de leurs destinations respectives, la population totale d’émigrés français est en réalité bien plus large.

On estime, même s’il ne peut y avoir de chiffres précis, qu’ils seraient entre deux millions et demi et un peu moins de trois millions. La barre des trois millions sera probablement atteinte très rapidement. Mais selon moi, l’ampleur du phénomène est beaucoup frappante dans la perception et l’envie des personnes qui partent, que dans la réalité chiffrée.[…]

JOL PRESS : Qu’est-ce que ces personnes « fuient » ? Les perspectives économiques moroses de notre pays ?

André Bercoff : Exactement. J’ai été très frappé, moi qui suis de la génération du « baby boom », qui ait vécu, en partie, ce que l’on a appelé les « Trente Glorieuses », par le nombre de personnes que j’ai interrogées, dans la génération des 30-40 ans, me dire qu’on leur a toujours parlé de chômage, qu’on les a mises en garde contre la dureté des conditions économiques.

Elles sont nées dans la crise, et se demandent si elles ne vont pas tomber dans la précarité. Bien sûr, il faut relativiser ce que cela sous-entend, la France restant un pays riche, une puissance importante. Ce qui les marque, c’est vraiment le sentiment d’une France à deux vitesses. Aujourd’hui, il y a plus un clivage entre la France protégée et la France exposée, qu’entre la gauche et la droite. La situation est très compliquée, pour les petites entreprises notamment, avec tous les jours des faillites, des chefs d’entreprises qui déposent le bilan.

Les gens voient cela autour d’eux et se demandent si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Est-ce que c’est vraiment le cas ? Je ne sais pas. Mais il est clair que c’est ressenti comme ça.[…]

JOL PRESS : D’après vous, peut-on considérer que cela s’explique également par un problème de système politique, avec un sentiment que le bipartisme empêche une autre force politique d’émerger, et qu’il n’est pas possible de passer par les urnes pour obtenir un changement ?

André Bercoff : Les personnes que j’ai interrogées ont ce sentiment là. On voit très bien qu’il y a un ras-le-bol général. Ce qui est nouveau, depuis quelques années, c’est que des personnes qui ne descendaient pas dans la rue le font désormais.

Du mariage pour tous aux bonnets rouges en passant par les pigeons (les entrepreneurs), les poussins (les auto entrepreneurs), les asphyxiés (les professions libérales), il y a quelque chose qui se passe.

Les gens ont envie de dire stop. Alors c’est ce que j’explique dans mon livre, certains décident d’aller voir ailleurs, c’est leur manière de dire que l’offre politique, et même au-delà, l’offre d’avenir, n’est pas bonne.

JOL Press

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