Cinq ans après avoir été balayée par une crise économique qui avait laissé le pays exsangue, l’Islande continue à juger les « Néo-Vikings » de la finance, des responsables du secteur financier accusés d’avoir mené le pays à la faillite. Trois anciens dirigeants de la banque Kaupthing – l’une des trois principales banques islandaises à avoir fait faillite en 2008 – ont été condamnés pour fraude, jeudi 12 décembre.
Les trois anciens banquiers ont été reconnus coupables par un tribunal de Reykjavik d’avoir enfreint leurs obligations de transparence et d’avoir manipulé le marché boursier. Ils avaient en effet caché qu’un investisseur qatari qui avait acheté 5,1 % de la banque en pleine crise financière l’avait fait avec des sommes qu’elle lui avait prêtées. A l’époque, l’arrivée de cet investisseur, alors que le système bancaire islandais était en pleine déliquescence, avait été saluée par Kaupthing comme un signe de solidité évident. Mais la banque avait fait faillite dès le mois suivant, emportée avec ses consœurs par la panique qu’avait déclenchée l’effondrement de la banque d’affaires américaine Lehman Brothers.
L’ancien directeur général, Hreidar Mar Sigurdsson, a été condamné à cinq ans et demi de prison, et l’ancien président, Sigurdur Einarsson, à cinq ans. L’ancien directeur de la filiale luxembourgeoise, Magnus Gumundsson, qui avait joué un rôle clé dans ce prêt, a été condamné à trois ans et demi d’emprisonnement. Une peine de trois ans de prison a également été prononcée contre un actionnaire important, Olafur Olafsson, qui avait donné son assentiment.
« PURGER » LE SECTEUR FINANCIER
Ce jugement est l’aboutissement du travail d’une commission mise en place en janvier 2009 qui cherche et traduit en justice ceux qui ont joué un rôle dans l’effondrement économique du pays. A la tête de cette commission, l’enquêteur Olafur Hauksson définissait son rôle dans un entretien au Monde.fr en 2012 « D’un côté, il s’agit d’enquêter sur toutes les suspicions de fraudes et délits commis avant 2009, de l’autre, nous engageons nous-mêmes des poursuites en justice contre les présumés coupables. » Une procédure unique au monde, qui a permis selon lui « de montrer à quel point le système bancaire qui avait été mis en place était à mille lieues de ce qu’on imaginait de lui. »
Dans ce pays de 320 000 habitants, l’idée du gouvernement qui avait mis en place cette commission d’enquête était de « purger » le secteur financier de l’île. Malgré un indéniable redémarrage économique — la croissance y a atteint 3 % sur les trois premiers trimestres 2013 — les Islandais restent profondément marqués par ce 6 octobre 2008, quand le ciel leur est tombé sur la tête. En direct à la télévision nationale, le premier ministre avait conclu ce jour-là son discours en appelant Dieu à « sauver l’Islande ». En moins d’un mois, les trois banques du pays, surendettées à hauteur de 800 % du produit intérieur brut, s’étaient déclarées en faillite, et la couronne s’effondrait sous les yeux médusés de ceux qui avaient cru au « miracle islandais ».