(extraits) François Gemenne, « chercheur spécialisé sur les questions de gouvernance mondiale des migrations et de l’environnement » :
« Le Canada et la Nouvelle-Zélande sont les deux seuls pays industrialisés à avoir maintenu une politique migratoire relativement ouverte, claire et réaliste. Je souhaiterais qu’une telle politique puisse être importée en France.
Mais il faut bien comprendre que la politique d’immigration canadienne, ce n’est pas uniquement le système des points : c’est aussi, notamment, un engagement fort de l’Etat pour la diversité et dans la lutte contre les discriminations.
En France, nous en sommes encore très loin. On ne peut pas à la fois vouloir du système canadien et stigmatiser systématiquement les musulmans sous le couvert de la promotion de la laïcité, par exemple.
Le Canada a pleinement embrassé le modèle multiculturel, qui reconnaît les droits et les identités des minorités, tandis que la France reste ancrée dans un modèle encore largement assimilationniste.
L’immigration continue d’être perçue comme un problème par la classe politique française pour trois raisons :
• la première tient à la très grande concentration géographique de l’immigration en France. La plupart des immigrés habitent en Île-de-France ou dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, et souvent en banlieue, ce qui peut créer une distorsion entre les réalités statistiques de l’immigration et leur perception au niveau local.
• La deuxième raison, c’est ce que j’appelle le paradigme de l’immobilité. La classe politique française continue à penser que dans un monde idéal, chacun resterait chez soi et n’éprouverait pas le besoin ni l’envie d’émigrer.
La droite n’a pas encore accepté l’idée que la migration était à la fois un phénomène structurel et un droit fondamental.
• Enfin, il y a l’impact de la répétition comme prédiction créatrice : à force de répéter partout que l’immigration est un problème, elle devient un problème.