L’avortement sélectif des filles n’est pas le propre de l’Asie ou de l’Europe orientale. Cette pratique existe dans certaines diasporas en Angleterre, en Norvège, en Grèce ou en Italie. En France, on ne peut pas le savoir.
C’est un document dérangeant que vient de publier l’Institut national d’études démographiques (Ined). Il actualise les données disponibles concernant la pratique de l’avortement sélectif des fœtus de sexe féminin. Le phénomène est connu et dénoncé depuis une vingtaine d’années en Chine et dans une partie du sous-continent indien. Il a commencé à être décrit il y a plus d’une dizaine d’années dans deux régions d’Europe orientale: le Sud du Caucase et l’Ouest des Balkans autour de l’Albanie.
Le rapport de masculinité à la naissance se situe entre 110 et 117. Dans les trois pays caucasiens concernés (Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie), ce rapport a augmenté dans les années 1990 et peut atteindre des valeurs supérieures aux estimations actuelles concernant l’ensemble de l’Inde…
L’autre ensemble du Vieux Continent est situé en Europe du Sud-Est: Albanie, Kosovo, Monténégro et Macédoine occidentale. Les niveaux observés sont plus faibles (autour de 110-111 naissances masculines pour 100 naissances féminines) mais les démographes estiment que la régularité observées au fil des années atteste de la réalité persistante du déséquilibre et des pratiques abortives sélectives.
Fait nouveau: plusieurs publications scientifiques établissent aussi que les avortements sélectifs des fœtus féminins sont également pratiqués dans des pays d’Europe occidentale – et ce au sein des communautés issues des pays touchés par cette discrimination sexuelle…
Seule une action volontariste peut mettre en évidence de telles pratiques. «Ces populations issues de l’immigration sont d’effectifs modérés et noyées dans une société où la discrimination prénatale en fonction du sexe est pratiquement inexistante, explique Géraldine Duthé, qui a conduit l’étude. De ce fait, elles ne pèsent guère sur l’ensemble des naissances et n’ont pas affecté le sex-ratio dans les pays concernés. Mais l’existence de ces préférences dans la diaspora démontre que sont davantage en cause des pratiques culturelles (préservées par les migrants) que des facteurs circonstanciels, politiques, propres aux pays d’origine.»
Et en France? «L’absence de données ethniques ne permet pas d’y vérifier l’existence du phénomène», regrettent les deux chercheurs. «On aborde ici une question de grande ampleur qui dépasse ce seul sujet et qui est objet de controverse au sein de notre communauté, explique à Slate.fr Géraldine Duthé. Schématiquement les uns s’opposent à des travaux fondés sur des données ethniques en estimant qu’ils risqueraient d’accentuer certaines discriminations. Les autres font valoir que l’on ne peut, par définition, lutter contre les discriminations si on n’en connait pas la nature et la fréquence. »
En théorie, la pratique d’une interruption volontaire de grossesse sur le seul critère du sexe fœtal est interdite en France. Les dispositions de la loi de bioéthique font que de tels avortements ne peuvent être pratiqués que dans le cadre des interruptions thérapeutiques de grossesse et pour des raisons médicales concernant des maladies d’une particulière gravité…
Slate, merci à Zatch
Relire :