Papier de Henri Weber, eurodéputé PS
Les périodes de crises économiques ne sont pas propices à l’essor de l’altruisme et de la générosité. Elles nourrissent, au contraire, chez celles et ceux qui en sont victimes, angoisse, colère et ressentiment.
Les partis populistes donnent une expression politique, illusoire et mystificatrice, à cette colère. Ils présentent une explication simpliste aux difficultés dans lesquelles se débattent les victimes de la crise; leur désignent des responsables à leurs malheurs; leur proposent des solutions simples et mobilisatrices pour remédier à leur situation.
Les idéologies populistes sont diverses, mais elles présentent toujours une même structure.
La politique est conçue comme une lutte entre le Bien et le Mal. Le Bien est incarné par un Peuple idéalisé (clairvoyant, vertueux, généreux, homogène,…). Le Mal par une figure de l’Autre, (s’agissant du national-populisme : l’Etranger, l’Immigré, l’Arabo-musulman, le Noir, le Juif…; s’agissant du social-populisme : le Bourgeois, le Riche, les Patrons suceurs de sang.) Dans ce combat, un troisième larron tient la place de l’ennemi en second : c’est l’Elite, égoïste, cupide et incompétente (l’Establishment, les “Sachants”, la Technocratie, la “Classe politique”) qui trahit le Peuple et fait le jeu de ses ennemis. […]
En période de crise économique et de régression sociale au contraire, les partis populistes, et en premier lieu les partis national-populistes, ont le vent en poupe.
Leur xénophobie gagne en efficacité politique et en rendement électoral. […]
La nouvelle extrême-droite pratique la “triangulation” : c’est désormais au nom de la défense des conquêtes de la gauche -la laïcité, l’Etat providence, la liberté des mœurs- qu’elle préconise ses politiques d’exclusion, nationalistes et xénophobes.
En réalité, ses boucs émissaires et ses ennemis sont toujours les mêmes : les immigrés, ces parasites qui vivent à nos crochets et nourrissent l’insécurité; les musulmans inassimilables et réceptifs à l’islamisme; les élites mondialisées qui leur ouvrent grand nos portes; la bureaucratie bruxelloise, qui prétend imposer aux peuples ses diktats cosmopolites et défaire les nations…
Sa défense de la laïcité est une machine de guerre contre la religion musulmane. L’Etat providence qu’elle chérit est réservé aux nationaux.
L’anti-islamisme, le nationalisme xénophobe, l’autoritarisme répressif sont devenu le fonds de commerce de cette nouvelle extrême-droite.
Parce qu’elle est foncièrement xénophobe, intolérante et sous un mince verni, raciste, l’extrême-droite, nouvelle ou classique, ne fait pas partie de l’Arc républicain.
Un cordon sanitaire des forces démocratiques et républicaines doit être élevé autour d’elle et toute alliance électorale avec elle doit être prohibée. Le passé récent a prouvé que toute complaisance à son endroit se faisait à son profit, en levant l’interdit humaniste sur l’égale dignité des personnes et leur égalité en droit.
Mais la stigmatisation morale ne suffit pas. Au contraire, si l’on s’en tient là, elle s’avère rapidement contre-productive.
La lutte contre l’extrême-droite doit s’affirmer aussi à deux niveaux complémentaires.
En premier lieu, il faut réfuter systématiquement et soigneusement les propositions du Front national, démantibuler ce qui lui tient lieu de programme, montrer que l’application, même partielle, de ce programme plongerait notre pays dans le chaos et le malheur. […]
En second lieu, le renvoi des travailleurs immigrés et la discrimination à l’encontre des étrangers résidant en France seraient désastreux.
En raison de leur vieillissement accéléré et de leur démographie chancelante, les pays européens ont besoin d’un flux régulier de travailleurs immigrés. C’est une condition de leur retour à la croissance et du financement de leurs Etats providence. […]
Il n’est pas vrai que l’Islam est incompatible avec la démocratie, l’Etat de droit, la laïcité. Il ne l’est pas plus que ne l’étaient, il y a deux siècles, le catholicisme ou le judaïsme. Il peut et doit connaître la même adaptation à la modernité, comme le prouvent, au demeurant, les Printemps arabes.
L’exclusion des immigrés de notre système de protection sociale serait calamiteuse, par ses conséquences sur la santé publique et la sécurité. Elle serait juridiquement inconstitutionnelle et moralement scandaleuse. […]