[extraits] En 1990, Judith Butler publie «Trouble dans le genre», qui marque l’irruption dans le débat intellectuel de la «théorie du genre». Elle répond aux questions du Nouvel Observateur (…)
(…) C’est vrai, le sexe biologique existe mais sa définition nécessite un langage et un cadre de pensée, un cadre discursif. C’est ce processus qui intéresse la théorie du genre.
Les études de genre décrivent les normes hétérosexuelles qui pèsent sur nous. Elles nous disent ce qu’il faut faire pour être un homme ou une femme. Je m’intéresse à l’écart entre ces normes et les différentes façons d’y répondre.
(…) Le «mâle blanc hétéro riche» est l’objet de demandes variées auxquelles il doit se conformer. Vivre son hétérosexualité, sa «blanchitude», ses privilèges économiques, cela signifie se mouler dans les idéaux dominants, mais aussi refouler les autres aspects de sa personnalité: sa part homosexuelle, sa part féminine, sa part noire…
« Le «mâle blanc hétéro » refoule sa part homosexuelle, sa part féminine, sa part noire… »
Comme tout le monde, le mâle blanc hétéro négocie en permanence. Il peut prendre certains risques. Mais parfois, lorsqu’il se regarde dans le miroir, il voit… une femme ! Et tout ce à quoi il croyait tombe en morceaux !
(…) Il existe une façon nationaliste, de droite, de défendre les homosexuels. Mais à l’opposé on trouve des gays et lesbiennes qui combattent à la fois l’homophobie et le nationalisme extrême.
Porteurs d’un projet de justice social, ils ne se contentent pas de réclamer des droits seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les autres minorités et notamment pour les migrants.
(…) Je ne comprends pas la fixation française sur le sujet du voile. C’est un signe d’appartenance à une famille, à une religion, à un pays d’origine, à une communauté.
Contraindre une femme à ôter le voile, c’est l’obliger à se couper de ses attaches, à se déraciner. Certes, on peut juger que s’arracher à son milieu d’origine est une bonne chose, mais ce n’est pas à l’Etat d’en faire une norme obligatoire.