Saisi de la question des mères voilées accompagnant les enfants, le Conseil d’Etat a décidé de ne pas trancher. Pour l’historien et sociologue Jean Baubérot, le port du voile n’est pas un problème.
Le rôle de l’Education nationale est d’apprendre aux enfants à vivre dans la société telle qu’elle est.
Dans notre société de consommation, c’est l’apparence qui compte. Or la laïcité est une question de comportement, pas d’apparence. Bien sûr, s’il y avait eu des problèmes de prosélytisme de la part de ces femmes, cela aurait mérité que l’on se penche sur la question. Mais ça n’est pas le cas ! Dans le cadre de la loi de 1905 [instituant la séparation de l’église et de l’Etat, NDLR] on a d’ailleurs refusé de légiférer sur le vêtement, qui est laissé à la libre appréciation de chacun. La circulaire Chatel tourne donc le dos à la loi de 1905, en plus de créer un fort ressentiment.
Quel ressentiment ?
L’exclusion, tout simplement. Il faut savoir ce que l’on veut. Souhaite-t-on vraiment désocialiser les musulmanes en multipliant les restrictions à leur encontre ? Si, au prétexte qu’elles portent un voile, on continue à exclure ces femmes des sorties scolaires et du marché du travail, elles ne pourront plus travailler que dans des associations ou établissements scolaires musulmans.
A l’inverse, certains expliquent que défendre la laïcité à l’école empêche la montée des communautarismes…
Le danger communautariste, on le crée en désocialisant et en discriminant certaines personnes. En ne respectant pas leur liberté de croyance. On les oblige à se replier sur leur communauté, et les intégristes peuvent ainsi prêcher auprès de gens qui se sentent discriminés. La démocratie doit isoler les extrémistes, pas leur ouvrir un boulevard. […]
On sait l’opinion particulièrement sensible sur le sujet…
La gauche est déjà impopulaire, qu’elle soit au moins courageuse ! C’est vrai que les gens sont un peu islamophobes. Dans les enquêtes, 75% des sondés pensent que l’Islam représente un danger pour la démocratie.
Mais quand on regarde dans le détail, on constate que les principales préoccupations restent la retraite, les salaires ou le chômage. La lutte contre l’intégrisme n’arrive que bien après. Il ne faut donc pas surestimer l’importance de la question, en donnant une portée démesurée à des problèmes qui n’en sont pas. Même si c’est toujours pratique d’avoir un bouc-émissaire. Car si on décrétait un moratoire sur l’Islam, il faudrait alors s’occuper des vrais problèmes !