Addendum 24.12.2013 :
«Grâce à ce débat sur Tomboy, dit-elle, j’ai ressenti que l’on peut encore sortir du processus de fanatisation. Le cinéma peut ouvrir les consciences, et l’école est là pour enlever les carcans moraux» (l’enseignante).
Après la séance, l’enseignante du collège de l’Oise a découvert les réactions de ses élèves de sixième : «Certains m’ont dit : l’homosexualité, c’est péché». D’autres ont réagi sur le thème, «si j’aurais su j’aurais pas venu». […]
Une élève issue d’une famille ivoirienne, et chrétienne, est venue la voir à l’issue du cours. «Pendant le débat, elle avait trouvé dégoûtant le baiser entre les deux filles. A la fin elle m’a quand-même dit : je vais réfléchir à ce qui a été dit. Comme si la question de l’homosexualité lui semblait dédiabolisée», raconte l’enseignante. Mais la mère de cette élève d’origine africaine n’a guère apprécié. […]
Tomboy (2011), le film de Céline Sciamma, raconte l’histoire d’une petite fille de 10 ans qui se fait passer pour un garçon. Et noue des relations ambigues avec une autre fillette.
Depuis septembre 2012, le film est inscrit dans le dispositif « Ecole et cinéma » : soutenu par le ministère de l’éducation nationale, et par le ministère de la culture, celui-ci initie les élèves à la culture cinématographique.
Les projections ont lieu au cinéma, pendant le temps scolaire, et les enseignants disposent d’une formation, et d’un livret, pour discuter autour de l’œuvre.
Depuis l’automne 2013, les projections de Tomboy suscitent des protestations qui rappellent la mobilisation contre le mariage gay et lesbien, il y a un an. Sélectionné au festival de Berlin, en 2011, Tomboy a réalisé 350 000 entrées dans les salles françaises. De plus, 46 800 élèves (de classes de CE2, CM1 et CM2) l’ont visionné dans le cadre du programme « Ecole et cinéma ».
La fronde est partie, entre autres, de la ville de Niort (Deux-Sèvres), et a été relayée dans la presse locale : « Tomboy a-t-il sa place à l’école ? », titrait Le Courrier de l’Ouest, le 9 décembre, s’appuyant sur la lettre qu’une mère avait envoyée à l’instituteur de son fils (en classe de CM1), à la directrice de l’école et au directeur académique : il est « tout à fait dangereux de laisser penser à des enfants de 9 ans que l’on peut changer de sexe, qui plus est sans dommage », estimait-elle. Le 12 novembre, La Nouvelle République, quotidien de la région Centre, soulignait la reprise des rassemblements contre le mariage homosexuel, et notait qu’un porte-parole désapprouvait la sélection de Tomboy à Tours, dans le cadre d’« Ecole et cinéma »…
Selon les statistiques d’« Ecole et cinéma », sur les 450 classes inscrites pour voir le film, à Paris, quinze d’entre elles se sont désengagées. Mais le taux de satisfaction des enseignants parisiens ayant visionné Tomboy est très élevé : 79 % d’entre eux ont jugé le film « très intéressant » – seul le film Peau d’âne (1970) de Jacques Demy a obtenu un score plus élevé, de 84 %.
Eugène Andréanszky rappelle enfin que Tomboy a été retenu dans le catalogue d’« Ecole et cinéma » « à une très large majorité », par une « instance » de vingt-deux membres, composée à parité d’experts de l’éducation nationale et de la culture. Dans le compte-rendu de cette réunion, qui a eu lieu le 15 juin 2011, on pouvait lire ceci, ajoute-t-il : « Il faut faire confiance à la capacité d’analyse des élèves et ne pas projeter des peurs d’adultes sur ce que pourraient penser des enfants. »
Le Monde, merci à Stigmatiseur