Il a fait rêver nombre de pays arabes et, longtemps, a rassuré les Occidentaux. Ce n’était ni le modèle iranien – dictatorial et antioccidental – ni le saoudien – dictatorial et propagateur du venin islamiste.
Le « modèle turc », c’était l’alliance de la démocratie et du capitalisme, le tout sous la houlette d’un parti islamo-conservateur sûr de lui et proche des Etats-Unis.
Il représentait la voie de la modernité dans le monde arabo-musulman. Il mariait le Mall – le centre commercial – et la mosquée dans une synthèse inédite qui assurait l’expansion continue, économique et diplomatique, de la Turquie (75 millions d’habitants, 17e PNB mondial, membre de l’OTAN et candidate à l’entrée dans l’Union européenne).
Sans doute ne faut-il pas l’enterrer trop tôt. Mais le « modèle turc » a du plomb dans l’aile depuis l’été. Et, depuis quelques jours, il vacille.
L’été, ce fut la révolte d’une partie de la classe moyenne contre la dérive autoritaire du premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, chef du parti AKP, arrivé à la tête du gouvernement en 2003. Depuis le 17 décembre, c’est un scandale au coeur de l’Etat qui touche l’entourage immédiat du chef du gouvernement.
Trois ministres – économie, intérieur et environnement – ont dû démissionner après que leurs fils ont été inculpés puis arrêtés. La justice les soupçonne d’être les acteurs principaux, avec nombre de hauts fonctionnaires, d’un gigantesque scandale financier : corruption, malversations, blanchiment d’argent, etc…
Autre pilier du « modèle turc », les relations entre Ankara et Washington, longtemps excellentes, se sont récemment détériorées. Sur la Syrie et sur l’Egypte, notamment – M. Erdogan, défendant les Frères musulmans au Caire et les factions islamistes les plus radicales de la rébellion syrienne –, le premier ministre s’est éloigné du président Barack Obama. Aujourd’hui, la presse turque pro-Erdogan appelle à l’expulsion de l’ambassadeur américain à Ankara…