“Le Combat de Carnaval et Carême” – Pieter Brueghel l’Ancien (1559)
Telle qu’elle est présentée, la crise financière est précisément la réincarnation de la Peste: fléau mystique et mystérieux, source d’angoisse terribles, de multiples souffrances, d’innombrables superstitions et… d’une incommensurable résignation. Pourtant à l’origine, la crise signifiait tout à fait autre chose: un moment parfois positif et même, osons le mot, nécessaire.
D’ailleurs les racines sémantiques de krisis signifient littéralement « vivre au bord » ou « être au bord, au bout de la vie ». C’est pourquoi, le mot crise est plutôt à comprendre comme la découverte d’une impasse et la nécessité d’une profonde remise ne questions, d’un dépassement.[…]
Tous ces moments [de crise] sont des seuils « critiques » à la fois au sens où ils sont périlleux, mais aussi où ils nécessitent une véritable analyse, un travail d’étude et de compréhension d’une situation à surmonter, une nouvelle quête de sens.
Le moment de la crise – le moment critique – est donc le moment de la critique. Toute crise augure une crise de sens. Les mots ont du pouvoir. Celui-là plus que d’autres. C’est pourquoi l’emploi moyenâgeux du mot crise est une manipulation à combattre comme toutes les superstitions qui maintiennent l’humanité dans l’ignorance, la soumission et la résignation.
Il ne s’agit pas de dire que la crise n’existe pas, mais qu’elle n’a pas la signification qu’on lui donne. Ne pas se laisser pétrifier dans le chant des sirènes médiatiques, mais chercher les causes profondes de cette crise dans l’échec lamentable de nos modes de vie et de nos organisations sociales qui sont à transformer au plus vite.