Extraits de la Tribune de Jean-Loup Amselle « Affaire Dieudonné : Un antisémitisme postcolonial ».
«Par une sorte de transmutation de l’anti-impérialisme des années 1970 en lutte des races, le Palestinien, l’Africain, mais aussi le Français de souche, en tant que représentants des peuples autochtonesen sont venus à représenter l’antithèse absolue du colon juif déraciné et sioniste, désespérément à la recherche d’une terre où il puisse exercer ses méfaits et sucer le sang de ses victimes »
Si Dieudonné rencontre un tel succès dans ses spectacles et sur la Toile, ce n’est pas ou pas seulement parce qu’il reprend la vieille ritournelle des années 1930 sur les «juifs ploutocrates», c’est aussi et surtout parce qu’il parle au nom du fameux deux poids, deux mesures, maître mot des idées postcoloniales. […]
On peut observer ici un premier point de dérapage antisémite, qu’on retrouvera ensuite dans les notions de lobby, de communauté ou de peuple juif, car même s’il était avéré – ce qui n’est au demeurant pas le cas – que les juifs ont joué un rôle prépondérant dans la traite esclavagiste, il resterait à prouver qu’ils ont participé à cette entreprise en tant que juifs, et non tout simplement en tant que négriers. […]
Ce qui unit paradoxalement des idéologues comme Dieudonné et Kemi Seba à des essayistes comme Alain Soral ou à des leaders politiques comme Florian Philippot du Front national, c’est une même haine du mondialisme et la défense d’une sorte de développement séparé, visant à ériger des frontières entre les peuples noir, arabe et blanc.
Il s’agit aussi pour Dieudonné et ses acolytes, tout comme pour le Front national, de protéger ces peuples supposément autochtones ou enracinés, en particulier les Palestiniens, de l’action malfaisante du lobby sioniste qui est censé ne compter que des juifs, eux-mêmes assimilés d’emblée à une communauté ou à un peuple. […]