Les vociférations de l’extrême gauche et de la CGT de Peugeot ainsi que les déclarations outrancières de certains politiciens, dont une belle brochette de ministres, à propos de la retraite du président de PSA Philippe Varin sont à rapprocher d’un calcul qu’avait réalisé malicieusement, quelques mois plus tôt, l’économiste Charles Gave sur le coût prévisible de la retraite de Jean-Marc Ayrault.
Entrepreneur en finances internationales qui se partage entre Londres, Hong Kong et Paris, administrateur de SCOR et fondateur de l’Institut des libertés, Charles Gave s’était fait connaître en publiant il y a 10 ans un essai retentissant : Des lions menés par des ânes (éd. Robert Laffont). Un livre dont nous nous sommes fait récemment l’écho. Au printemps 2013, il met en ligne une petite étude pour son Institut des libertés, à partir d’éléments fournis par un correspondant, apparemment bien informé, sur la retraite dont devrait bénéficier Jean-Marc Ayrault quand il la prendra ainsi que sur le montant du capital que devrait posséder un entrepreneur indépendant pour pouvoir disposer d’une retraite identique.
Voyons d’abord la retraite de Jean-Marc Ayrault : notre économiste et son correspondant ont des informations, mais pas toutes les informations, et pas aussi précises qu’ils le voudraient (de fait les calculs qui suivent ne sont pas précisément exacts, ils sont simplement très proches de la vérité), mais l’essentiel est là, dans le cumul de plusieurs retraites qu’ils ont ainsi établi :
d’abord, 2 000 euros par mois comme ancien maire de Saint-Herblain, puis de Nantes ; 2 000 euros de plus comme ancien président du district de l’agglomération nantaise, puis de la communauté urbaine ; et 1 800 euros encore au titre de l’Éducation nationale, puisque Jean-Marc Ayrault est toujours officiellement “professeur d’allemand depuis 1973”, selon sa dernière biographie officielle. Une carrière de professeur pour le moins fictive, mais prise en compte par l’administration si son fonctionnaire a continué à “cotiser”, même s’il n’exerce plus, et même si les cotisations en question sont plus ou moins fictives et plutôt plus que moins. Mais passons ! C’est un autre débat.
Nous en sommes à 5 800 euros par mois auxquels il faut ajouter une retraite de conseiller général que nous allons oublier (impossible d’avoir des informations), mais surtout une pension “plein pot” d’ancien député, de 6 650 euros par mois, à quoi s’ajoutent 2 500 euros environ en tant qu’ancien président de groupe à l’Assemblée nationale. Soit un total de 14 950, arrondi à 15 000, soit 180 000 euros par an. Tout cela, bien entendu, sans compter sa retraite d’ex-Premier ministre, impossible à prévoir aujourd’hui… Arrivé à ce stade et dans l’hypothèse où Jean-Marc Ayrault, qui aura 64 ans le 25 janvier, bénéficierait de sa retraite pendant une vingtaine d’années, Charles Gave se pose la question de savoir de quelle fortune devrait disposer un indépendant non salarié et non fonctionnaire pour s’offrir pendant vingt ans une retraite identique de l’ordre de 180 000 euros par an, laquelle est, de plus, garantie par l’État français.
C’est là où nous retrouvons le calcul effectué par le conseil d’administration de PSA qui doit “provisionner” la retraite complémentaire de son dirigeant – c’est une dette pour l’entreprise – et prévoir ce qu’il faudra lui verser chaque année pendant une certaine durée fixée par la compagnie d’assurances de l’entreprise. Dans le cas de Philippe Varin, rappelons qu’il était question de provisionner sur 25 ans la somme de 21 millions d’euros qui incluait des charges sociales (beaucoup) et des taxes (de plus en plus).
“Ayrault est parfaitement protégé”
Alors, les 180 000 euros par an de Jean-Marc Ayrault, combien faut-il détenir à la banque pour s’offrir de pareils revenus pendant vingt ans, durée choisie par Charles Gave ? Voici sa réponse : “Les taux d’intérêt “longs” en France aujourd’hui sont aux alentours de 2 %. Pour que 2 % de mon capital me donnent 180 000 euros par an, il me faut faire une petite règle de trois : il faut que mon capital soit de 9 millions d’euros (2 % sur 9 millions = 180 000 euros).” Certes, raisonne Gave, mais nous sommes en France : pour un capital de 9 millions d’euros et, “prenant ma retraite en France, la moitié de mon revenu théorique servira à payer l’ISF et je n’aurai plus un revenu de 180 000, mais de 90 000 euros, sur lequel je paierai l’impôt sur le revenu au même titre que monsieur Ayrault.”
Donc, calcule-t-il, “pour avoir le même revenu après impôt sur la fortune, si je veux vivre en France et si je veux que ma retraite soit également garantie par l’État français, il me faudrait un capital de 18 millions d’euros au moins.” Mais ce n’est pas encore suffisant, la retraite de Jean-Marc Ayrault, comme toutes les retraites de la fonction publique, étant totalement indexée sur l’inflation, il faut encore plus de capital pour être dans une position symétrique : “Si les prix montent de 2 % par an, il faudra environ 36 ans pour que le niveau général des prix double. Donc, à 18 ans, conclut Charles Gave, je serai à peu près à 50 % d’une hausse contre laquelle monsieur Ayrault est parfaitement protégé, mais pas moi.” Les 18 millions ne seront donc pas suffisants pour tenir une vingtaine d’années et “il me faudrait disposer d’au moins 50 % de plus, ce qui amène le capital requis pour que je vive aussi bien que notre cher Premier ministre à au moins 27 millions d’euros.”
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