“Il s’est passé un truc.” Sophie n’en revient toujours pas : depuis le retour des vacances de fin d’année, les élèves se comportent – presque – bien. Même l’horrible classe de quatrième, d’habitude si pénible, se tient à carreau. La jeune prof n’est pas dupe pour autant : “Nous sommes, eux comme moi, bien disposés, reposés et calmes….
Et cette nouvelle ambiance fait des miracles. Avec ses quatrième, Sophie a commencé le cours d’éducation civique. Au programme : l’exercice des libertés en France. “C’est formidable, le lien avec le siècle des Lumières étudié en histoire se fait tout seul !” s’enthousiasme Sophie. “Non seulement ce chapitre les aide à comprendre l’intérêt de l’Histoire, mais le lien avec l’actualité était évident avec l’affaire Dieudonné.” Et les élèves de comprendre les enjeux du débat, et d’étendre leur réflexion dans une dimension presque philosophique : “Ils se sont eux-mêmes demandé comment gérer des propos antisémites.”
La discussion s’est emballée, les jeunes gens suivaient, participaient et n’en perdaient pas une miette. Certains interpellaient leur enseignante : “Mais, madame, la quenelle, ce n’est qu’un geste ! Et regardez, il y a même un footballeur qui en fait…” Et Sophie d’expliquer que derrière ce geste, il y a des mots, une idéologie. Que peut-être cette idéologie n’est pas saisie par tous ceux qui font ce geste. Que c’est justement pour savoir et comprendre ce qui se cache derrière des symboles qu’il est important d’aller à l’école. L’enseignante a ainsi retracé les grandes lignes de la Shoah, devant des élèves qui pour la quasi-totalité, n’en avaient jamais entendu parlé….
Comme lorsque l’on veut susciter une curiosité sur le Moyen Âge et l’époque moderne, et que l’on choisit dans ce but d’évoquer les méthodes de torture“, précise-t-elle.
“Je me suis arrêtée aux principes et aux grandes lignes du nazisme et de la Shoah, juste pour restituer le contexte. Cela viendra plus tard.”
Le cours était animé, les élèves étaient attentifs comme jamais. Et ne voulaient plus s’arrêter : euthanasie, homosexualité… “L’exercice des libertés” les a littéralement passionnés. “Ah bon, avant, être homo était un crime ?” s’étonne l’un d’entre eux. Et un autre de poursuivre : “Madame, c’est vrai que c’est François Hollande qui a introduit les gays en France ?” “Dans ces moments-là, je me sens utile”, confesse Sophie.
Le Point