Extraits d’une interview de François Crépeau, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants
« La migration fait partie de l’ADN de l’être humain. Les hommes se déplacent depuis des centaines de milliers d’années. Nous sommes tous des enfants, petits-enfants, arrière-petits enfants de migrants. (…)
Quand on regarde le nombre de gens arrêtés et détenus pour entrée irrégulière sur le territoire de l’Union européenne, ce sont des chiffres minimes par rapport au nombre global des entrées. La grande majorité des migrants en situation irrégulière rentrent légalement, et puis beaucoup vont laisser expirer leur visa. (…)
Nous avons fait de la délocalisation sur place. Au lieu d’envoyer les usines à l’étranger pour bénéficier des bas salaires en vigueur dans ces pays, nous avons importé cette main-d’œuvre à qui nous payons ces salaires de misère, mais ici. Tous les politiciens le savent, puisque c’est largement documenté.
Pour la migration, on est toujours dans le mode blocage et on va essayer de hausser encore la barrière en se disant que plus on l’augmente, moins les gens viendront. Mais les gens viennent quand même.
On l’a démontré dans les années 30 avec la prohibition aux Etats-Unis. On a interdit l’alcool et toutes sortes de réseaux opaques et de mafias se sont créés. C’est aussi ce à quoi nous assistons tranquillement avec la lutte contre la drogue.
(…) En France, le Front National dit les mêmes bêtises depuis 30 ans. Cette idée que les migrants volent le travail des locaux est une absurdité au plan économique et de la sociologie de la migration. C’est démontré par de nombreuses études. (…)
On doit se battre sur la place publique pour l’égalité de traitement des migrants en tant que citoyens, comme on l’a fait pour les droits de l’homme ou des gays et lesbiennes. Tant que l’on n’aura pas créé un mouvement dans ce sens au sein de la société, on aura beaucoup de difficultés.
Quels seront à vos yeux les points chauds en 2014 ?
Les réfugiés syriens. Je trouve que les pays européens devraient annoncer un accueil vraiment important. L’Europe est parfaitement capable d’absorber 250000 réfugiés syriens par an au cours des cinq prochaines années. Il y a là un manque de générosité qui va nous revenir dans la figure. On ne se rend pas compte qu’on envoie un message d’inhumanité et de refus à ces êtres humains qui sont ce que les Européens étaient en 1940, quand ils fuyaient l’Europe nazie.
Libre Belgique