La part des procédures d’apurement de dette est passée de 5,5 % à 7 % en cinq ans dans le parc social. Le monde HLM demande aux autorités de mieux prendre en compte la fragilisation des locataires, dans le cadre des politiques de prévention des expulsions locatives.
Une séparation, une période sans activité professionnelle : tout s’est enchaîné très vite pour Mounira. Cette auxiliaire parentale de métier, qui élève seule ses deux enfants, ne peut plus s’acquitter des 1 197 € de loyer par mois de son quatre-pièces, situé dans un HLM du 20e arrondissement de Paris. « Depuis trois ans maintenant, j’ai des commandements de payer qui arrivent dans ma boîte aux lettres. Régulièrement, j’ai peur de me retrouver à la rue », souligne la mère de famille. Pourtant, « je ne reste pas les bras croisés à attendre que les choses s’arrangent d’elles-mêmes », précise-t-elle.
Depuis le 1er octobre, la locataire a trouvé de nouveaux enfants à garder. « Mais ce n’est pas avec 1 300 € de salaire que je peux payer », déplore-t-elle. Elle a aussi obtenu de la justice l’effacement de 6 000 € de dettes, mais rien ne sera réglé tant qu’elle n’aura pas trouvé un autre logement moins cher dans le parc social. Mais la demande qu’elle a faite en ce sens est en souffrance depuis sept ans…
Parmi les 1 500 nouveaux dossiers que traite l’espace solidarité habitat de la Fondation Abbé-Pierre en Île-de-France, 80 %, comme celui de Mounira, portent sur une menace d’expulsion, que ce soit dans le privé comme dans le secteur HLM. Samuel Mouchard, responsable de la structure, s’inquiète tout particulièrement de la recrudescence des locataires en logement social en situation d’impayé, alors que leur part restait stable jusque-là…
Ce constat de terrain rejoint largement les données de l’Union sociale pour l’habitat (USH). L’organisme constate que sur plus de 4 millions de locataires, 7 % sont aujourd’hui dans une procédure d’apurement de dette contre 5,5 % en 2008. Si le monde HLM parvient à contenir le nombre d’expulsions exécutées par la force publique (environ 6 000 par an), c’est au prix de lourdes campagnes de prévention. En 2012, 5 millions de lettres de relance ont été envoyées, 280 000 plans d’apurement amiables ont été signés, dont 10 000 avec des locataires dont l’expulsion avait été prononcée par la justice.
Sur le plan budgétaire, les impayés pèsent de plus en plus lourd : les abandons de créance ont atteint 43 millions d’euros, ce qui commence à poser problème à de nombreux bailleurs.
« Les seuls effacements de dette prononcés par la justice sont passés du simple au double, avec 150 000 € de perte sèche cette année pour mon organisme. Cette somme devrait être prélevée sur la solidarité nationale, avec la création d’une caisse de garantie », estime Jean-Pierre Pugens, directeur général d’Hérault Habitat…
« Cette situation est due à la dégradation du marché de l’emploi, mais aussi à l’entrée dans le parc de nouveaux publics très fragiles, ou encore à la montée d’autres dépenses comme les télécommunications », note le directeur général d’Osica, Jean-Alain Steinfeld…
Plus de 115 000 familles ont fait l’objet d’une décision judiciaire d’expulsion pour dette locative, en 2012, selon la Fondation Abbé-Pierre. Un chiffre en constante progression depuis dix ans…
La Croix