Femme de ménage ou chauffeur, ils ont œuvré dans l’ombre des célébrités. Non déclarés, exploités, sous-payés, ils s’unissent aujourd’hui pour dénoncer leurs conditions de travail. Frustrations ?
Depuis que le le majordome de Liliane Bettencourt a fait preuve de tant d’indiscrétion, enregistrant sous le manteau les conversations privées de Madame, il a bien fallu se faire une raison : on ne peut plus faire confiance au petit personnel. Les domestiques se rebiffent, ils prennent des libertés. Des impudents osent même invoquer le droit du travail… On aura tout vu.
Pis : voilà que certains d’entre eux ont décidé de s’unir pour donner plus de force à leur combat ! La révolte des laquais est en marche, et rien ne semble l’arrêter. Ni le carnet d’adresses, ni la cote de popularité de leurs célèbres patrons qui leur ont confié comme une grâce leurs mouflets, leur beau linge ou les clés de leurs villas.
David Lairis était le coach sportif de Mireille Dumas ; Rabra Bendjebbour, la nounou du fils de Yannick Noah et de sa compagne, Isabelle Camus. Ils ont tous les deux traîné aux prud’hommes ces vedettes que l’on croyait au-dessus de tout soupçon. Travail au noir ou dissimulé, heures supplémentaires non payées : la liste de leurs griefs est longue.
Mireille Dumas, la célèbre confesseuse cathodique, transpirante de compassion pour ses frères humains, se serait rendue coupable d’«exploitation humaine», dixit celui qui s’est occupé de ses abdos fessiers, et qui a aussi été l’auxiliaire de vie de sa mère. David Lairis a notamment en travers de la gorge un été en Corse durant lequel il aurait été, selon ses termes, «corvéable à merci». Nettoyer les combles, monter le barbecue, disposer les transats autour de la piscine, faire les courses, la vaisselle, le ménage… Le coach n’avait pas signé pour ça.
Le problème, c’est qu’à cette époque il n’avait rien signé du tout. «Je n’ai pas eu un jour de repos pendant deux mois. Et tout était au noir», affirme à Marianne ce quarantenaire baraqué.
Yannick Noah, lui, a conquis le cœur des Français à coups de revers gagnants et de sympathiques refrains jusqu’à devenir leur personnalité préférée. Si l’on en croit Rabra Bendjebbour, qui s’est occupée de son fils Joalukas, la blonde compagne du chanteur, réalisatrice pour la télévision, aurait du mal à décrocher le même titre ! Dans un entretien au Figaro, l’ancienne employée a été jusqu’à qualifier le couple d’«esclavagiste». Un terme qui lui vaut aujourd’hui d’être poursuivie en diffamation.
«Mireille Dumas et Yannick Noah ont le même avocat, ils sont très copains… Alors nous aussi, nous avons décidé de nous liguer», explique David Lairis. Ou comment se construire un petit réseau pour faire face à ceux qui en ont beaucoup… «On a essayé d’entrer en contact avec l’auxiliaire de vie des parents de Jean-Luc Azoulay [le patron d’AB Productions], elle aussi est en procès avec son ex-employeur, renchérit Rabra. Il faut lancer un appel à tous ceux qui ne sont pas bien traités par leurs employeurs célèbres !»
Ils croyaient débarquer à la cour de Louis XIV : des gens «vus à la télé», de luxueuses villégiatures et, surtout, une abondance d’argent qui ferait rêver n’importe qui… Pour se retrouver finalement empêtrés dans des pingreries dignes de Molière !
Dans ce milieu des VIP où la discrétion des employés fait partie du deal, il faut parfois beaucoup de courage pour oser s’attaquer aux puissants. Céleste Pirès est femme de ménage. Elle a travaillé un peu plus d’un an chez Michel Drucker et son épouse, Dany Saval, ainsi que chez la fille de cette dernière, Stéphanie Jarre. Aujourd’hui, elle reproche aux Drucker de l’avoir payée au noir pour la moitié de ses heures et de l’avoir licenciée sans raison valable.
Après l’échec de la conciliation aux prud’hommes, tout ce petit monde devra s’expliquer devant un juge le 28 avril 2014. «Quand je les vois, je me dis que je suis plus heureuse qu’eux, affirme cette dame de 56 ans. Ils ont un salon qui ressemble à un musée, tout le monde fait semblant, pour l’image, mais, au fond, ces femmes, elles sont malheureuses.» Avant d’ajouter : «Michel Drucker est un homme extra, très humain ! Il n’a rien à voir avec ça. Ce sont sa femme et sa fille adoptive qui ont essayé de m’intimider avec leur nom célèbre et leurs avocats. Mais je me battrai !»
Se battre, c’est ce que fait Mohamed Belaïd. Voilà quatre ans que ce quadra veut faire reconnaître la responsabilité de ses anciens employeurs pour travail dissimulé. L’histoire commence par une rencontre avec Faouzi Lamdaoui, proche conseiller de François Hollande. En 2008, ce dernier lui aurait proposé d’être chauffeur du député corrézien lors de ses séjours parisiens. Pendant six mois, Belaïd affirme avoir été aux petits soins pour son nouvel employeur, récupérant ses costumes chez le teinturier, le conduisant de l’Assemblée nationale au siège du PS ou sur les plateaux de télévision.
Sauf que personne, dit-il, ne l’a payé, «à part une fois, 1 500 € en liquide», et qu’il n’a pas eu de contrat de travail. Après des échanges de SMS, le chauffeur finit par déposer plainte en octobre 2009. Celle-là est classée sans suite une première fois. Il se constitue alors partie civile, un juge est mandaté, mais rebelote : affaire classée faute de preuves…
Une procédure prud’homale est engagée en parallèle, mais elle se trouve suspendue jusqu’à la fin du mandat du chef de l’Etat, immunité présidentielle oblige. Dans le même temps, l’ex-chauffeur manifeste devant le siège parisien du PS, alerte les médias et recueille des témoignages. Dans une vidéo mise en ligne le 2 avril 2012, Belaïd interpelle celui qui n’est pas encore président de la République. Etonné, celui-ci finit par lâcher qu’il l’a peut-être transporté, mais seulement «une fois ou deux»…
Tout comme M. Delhougne, qui a accepté d’entretenir la somptueuse propriété de Bernard Tapie, près de Saint-Tropez, l’été dernier. Le salaire était bien maigre, 1 300 € par mois, mais l’homme d’affaires avait promis, paraît-il, de le revaloriser au bout d’un mois. «Finalement, il n’a pas voulu l’augmenter, explique son avocat, Me Laurent Latapie. Du coup, il est parti et il attaque pour faire valoir le non-respect du repos dominical et toutes les heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées.»…
Marianne