Juifs, musulmans, bouddhistes… feraient l’objet d’attentions multiples de la part des pouvoirs publics. Et non les catholiques. Un leurre, selon Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions.
Loin de moi l’idée de dénier la souffrance de ces catholiques, leur sentiment d’injustice, leur impression d’être méprisés. Loin de moi l’idée de dire qu’ils ont tout faux. Mais ils ne voient pas qu’ils confirment ou appellent implicitement de leurs vœux ce vers quoi on s’achemine à grands pas : une «communauté catholique», comme disent déjà les médias, traitée de plus en plus comme les autres «communautés» – juive, musulmane, protestante aussi ou bouddhiste – établies sur le sol français.
Certains catholiques se sentent mal aimés. Ils comparent leur situation au sort fait aux juifs et aux musulmans. Ces derniers leur semblent bénéficier d’attentions multiples dont eux sont privés. Des évêques, comme celui de de Gap et d’Embrun, Jean-Michel di Falco, ont relayé ce message. Ces catholiques pensent que le gouvernement, et d’abord le Président, non seulement ne les aiment pas, mais les discriminent, les ignorent, les méprisent, font des lois antichrétiennes…
Les catholiques français oublient en effet trop souvent, ou ne voient plus, tant ils leur paraissent naturels et légitimes ou tant le majoritaire a du mal à se mettre à la place du minoritaire, leurs avantages de «premiers nés» : la présence considérable dans la République, la place immense de la tradition catholique dans la culture, dans les références spatio-temporelles, dans le langage quotidien… et même dans la laïcité républicaine.
Les Femen et leurs seins nus sont devenus pour certains une véritable obsession après la simulation d’un avortement dans l’église de la Madeleine à Paris – une profanation qui, selon eux, n’a pas reçu, ou pas assez vite, les condamnations sans équivoque qui s’imposaient de la part des responsables socialistes. Partout, ils voient à l’œuvre le « deux poids deux mesures » : pas de pitié pour Dieudonné et ses spectacles antisémites, mais liberté de jouer Golgota Picnic. Ne parlons pas des caricatures du Christ et de la dérision antichrétienne au quotidien. Ils se souviennent que les responsables politiques ont défendu comme un seul homme Charlie Hebdo après les caricatures du prophète Mahomet. Les mêmes n’oublient pas de dénoncer l’interdiction de crèches de Noël, de galettes des rois dans les écoles, de sonneries de cloches… par des administrations, des mairies et des tribunaux.
Non pas qu’il n’y ait plus aucune spécificité «communautaire», qui explique à l’occasion des politiques différentes : ainsi, l’antisémitisme après la Shoah n’a plus le même sens qu’auparavant et justifie une attention propre envers les juifs de la part des pouvoirs publics ; les difficultés de l’intégration des musulmans, socialement discriminés et stigmatisés, appellent des signes de reconnaissance de la part de l’État, etc. Et les chrétiens, dira-t-on, quelle est leur spécificité ? […]
La Vie