Soupçons de faux contrats de travail, de fausses attestations d’employeur, voire de fausses cartes d’identité pour créer des dossiers de toutes pièces. Les accusations portées par l’inspection du travail de Seine-Saint-Denis et l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) contre l’entreprise C3 Consultants, un des leaders français du suivi et du placement de chômeurs, sont graves.
Dans un prérapport de juillet 2013, que s’est procuré Le Monde, les deux administrations dénoncent de nombreuses « irrégularités » de l’opérateur, chargé par l’Etat de suivre près de 7 700 jeunes de Seine-Saint-Denis et des Yvelines dans le cadre de « contrats d’autonomie ».
Cette mesure phare du « plan Espoirs banlieues » lancée en février 2008 par Nicolas Sarkozy et qui a concerné en tout près de 60 000 jeunes prévoit que des opérateurs privés de placement (OPP) suivent pendant 6 à 12 mois des chômeurs de moins de 26 ans issus de zones urbaines sensibles pour les accompagner vers l’emploi, vers une formation ou une création d’entreprise.
Pour se rémunérer, les OPP peuvent compter sur une part fixe et sur une part variable, pour laquelle ils doivent prouver que les jeunes ont effectivement connu « une sortie positive ». Selon plusieurs sources au sein de C3, les conseillers étaient incités à placer les jeunes par le biais d’un système de prime de 1 500 euros pour six « sorties positives ».
Alertée par un « appel anonyme » en novembre 2012, l’inspection du travail de Seine-Saint-Denis a vérifié 190 dossiers de jeunes suivis par C3 Consultants dans cinq villes du département. Selon elle, 72 d’entre eux se sont alors révélés « faux » et 16 « falsifiés ». « Fausses attestations de contrat de travail », « fausses attestations d’organisme de formation », « dates modifiées », l’inspection du travail parle de « manquements avérés » et saisit directement le parquet de Bobigny au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, qui impose aux fonctionnaires qui « acquièrent la connaissance d’un crime ou d’un délit (…) d’en donner avis sans délai au procureur de la République ». Alerté, le ministère du travail et de l’emploi arrête dans la foulée tous ses paiements à C3 Consultants et demande à l’IGAS une enquête « pour caractériser l’ampleur de la fraude ».
Le prérapport est au vitriol. En s’appuyant sur les données des Urssaf, censée être informée de toute prise d’emploi, les inspecteurs de l’IGAS estiment que 68 % des 700 embauches déclarées par C3 en Seine-Saint-Denis et dans les Yvelines n’ont en réalité pas eu lieu. Ils parlent d’« une fraude conséquente » qu’ils évaluent à 13 millions d’euros – sur un marché total de 22 millions d’euros pour l’Etat. Sans compter les 11 millions versés par le fonds social européen.
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