“Une catastrophe”. Sophie n’y va pas par quatre chemins pour qualifier le chaos qu’elle a vécu lors de son dernier cours avec l’une de ses classes de quatrième.
À l’occasion d’une leçon d’histoire des arts, la jeune prof a présenté à ses élèves des reproductions de peintures de Delacroix et Ingres. Que n’avait-elle fait ! Des femmes nues ! Ô scandale ! Devant L’Odalisque et La Baigneuse de Valpinçons, les élèves ont commencé à chahuter, à crier.
Cela a rapidement dégénéré, il n’y a rien eu à faire pour les canaliser, les menaces et les punitions n’y ont rien fait. Les garçons hurlaient de rire, gesticulaient sur leur chaise. Les filles se cachaient les yeux. “Quand j’vais dire à ma mère que vous nous avez montré ça”, a menacé un garçon, mi-sérieux mi-hilare.
Pour les calmer, elle a dû interrompre le cours toute séance tenante.
(…) À la fin de la journée, l’enseignante se fait héler par le grand frère d’un élève à la sortie du collège : “Ça suffit, maintenant ! Vous recommencez vos cours d’histoire comme avant, et vous arrêtez de leur montrer des femmes à poil.”
Sophie pensait pourtant que ses élèves avaient évolué depuis ce cours catastrophique du mois de décembre sur les Lumières. “Lorsque nous avons abordé ce chapitre, je leur avais expliqué que certaines personnes avaient cherché à remettre en cause les fondements de la société, et qu’on les appelait des libres penseurs, ou des libertins”. La réplique fut immédiate :
“Non, mais qu’est-ce qu’elle a, cette prof, déjà elle nous a parlé des poubelles (pendant le cours sur le développement durable, NDLR), mais maintenant elle nous parle de pratiques sexuelles !” avait éructé un élève, outré.
(…) L’enseignante met un point d’honneur à employer devant les collégiens le même langage châtié que celui qu’elle utilise au quotidien, et refuse absolument d’adapter son vocabulaire à celui que l’on prête à ses élèves.
(…) La semaine dernière, alors qu’elle choisissait avec soin ses mots pendant un cours, un élève l’a interrompue : “Madame, on ne comprend rien à ce que vous dîtes, parlez français correctement !”
Et la prof de répondre du tac au tac : “Je parle français correctement.” “Quoi, vous sous-entendez qu’on ne parle pas français ?!” s’est énervé l’élève. “J’ai senti que j’étais sur une pente très glissante”, confie Sophie.
Le Point