«Là-bas, ils n’ont rien, mais ils sont heureux.» Nous avons tous entendu au moins une fois cette remarque formulée au retour d’un voyage dans un pays pauvre. L’idée selon laquelle le bien-être matériel nous éloignerait du vrai sens de la vie est bien ancrée chez ceux qui vivent dans des pays aisés.
Mais à défaut d’avoir des logements de bonne qualité, des restaurants élaborés et un nouveau Smartphone chaque année, les pauvres mènent-ils vraiment une vie riche de sens? En tout cas, plus riche que la nôtre?
C’est à cette question que tentent de répondre les psychologues Shigehiro Oishi (université de Virginie) et Ed Diener (université de l’Illinois) dans un article publié en décembre 2103 dans Psychological Science. Le New Yorker, qui en livre les conclusions, précise que les données sont issues d’un sondage annuel de l’institut Gallup, réalisé dans 132 pays.
On ne sera pas très surpris de vérifier – une nouvelle fois – que les répondants des pays riches sont plus nombreux à se déclarer heureux. De nombreuses études associent le niveau de richesse d’un pays au bonheur et au bien-être de ses habitants. Ces résultats se vérifient au niveau national, dans les moyennes des réponses des habitants, mais aussi au niveau individuel: les plus aisés des pays aisés sont les plus heureux.
Or ces pauvres sont aussi les plus religieux et, selon les chercheurs, c’est l’importance de la croyance religieuse qui explique le mieux ces résultats. Comme le raconte The Atlantic, d’autres variables analysées comme l’éducation, le taux de fertilité, l’individualisme, n’ont pas expliqué cette corrélation aussi bien que la religiosité d’un pays.
«La religion fournit une idée de but, et imprègne des vies qui seraient autrement sans intérêt […] d’une grande importance», écrit le New Yorker.
Selon le New Yorker, «les gens de pays pauvres tendent par ailleurs à avoir des connexions sociales plus fortes», c’est-à-dire à pouvoir compter sur leurs amis et leur famille pour les aider en cas de problème.
Pour le magazine, c’est peut-être parce que «la pauvreté éloigne les gens du bonheur sur le court terme, et les incite à voir les choses sur le long terme, à se concentrer sur les relations qu’ils ont avec leurs enfants, leurs dieux et leurs amis, lesquelles deviennent plus chargées de sens avec le temps.»
Il y a donc bien, entre le sentiment d’avoir une vie heureuse et celui d’avoir une vie remplie de sens, deux logiques différentes. Le bonheur est lié directement à des «conditions de vie objectives», expliquent les chercheurs.
Ce que notait aussi, poursuit le New Yorker, le psychologue Roy Baumeister dans une étude menée auprès de 400 Américains. Le bonheur est lié selon lui à la satisfaction des besoins présents: bonne santé, sensation de bien-être, capacité d’acheter ce dont on a besoin. En revanche, le sens attribué à l’existence est lié aux relations sociales, au fait de s’occuper des autres, de se projeter dans des défis et de prier.