Par Jean-Paul Brighelli
(…) Admettons que l’expression « Français de souche » soit aujourd’hui délicate à employer, surtout depuis qu’elle sert d’étiquette à un site dont la mesure ni le bon goût ne sont les qualités dominantes. Admettons qu’un philosophe (je rappelle que Finkielkraut ne l’est pas, de formation) doive utiliser les mots avec circonspection. Oui, admettons…
Mais comment admettre qu’un parti (le PS) décide d’interdire les mots qui le défrisent ? À l’intolérance de ceux que leur étiquette « de gauche » ne préserve pas du malheur d’être des abrutis, répondra tôt ou tard l’intolérance massive d’une foule d’abrutis qui revendiqueront crânement, et dans la rue, une étiquette « de droite ».
D’ailleurs, ils la revendiquent déjà. L’un des exploits les plus remarquables de ce gouvernement de fantoches est d’avoir rassemblé des centaines de milliers de personnes qui n’existaient pas collectivement, et qui désormais s’expriment d’une seule voix. On salue bien bas.
Au passage, et quitte à chicaner sur les mots, comment distinguer les Français nés en France depuis plusieurs générations et ceux de toute fraîche importation, nés à l’étranger — Finkielkraut lui-même ? Parce que la distinction, quoi qu’on en pense, fait sens : on n’est pas français comme le camembert est normand : on l’est parce qu’on le mérite.
On ne naît pas Français — on le devient, même quand on a des parents inscrit au registre national depuis lurette. On le devient en s’affranchissant des coutumes, des relents familiaux, des communautarismes de toutes farines, des habitudes religieuses exotiques, des impératifs gastronomiques exogènes. J’ai parlé ici-même de cet excellent livre paru l’année dernière, La République et le cochon (Pierre Bimbaum), dans lequel l’auteur analyse avec une grande finesse le rôle du porc dans l’intégration à la communauté française, et la façon dont les Juifs (et les Musulmans, mais ce n’est pas son sujet directement) ont accepté (ou non) d’entrer dans les usages alimentaires de la République. On est français parce que l’on maîtrise la langue (ce que Finkielkraut fait à un niveau supérieur — très supérieur aux deux hurluberlus qui veulent le traîner aujourd’hui en justice au nom du politiquement correct, très supérieur aux membres du gouvernement, très supérieur à l’ensemble de la classe journalistique qui le juge), et parce que l’on a accepté les caractéristiques de la civilisation française.
(…) Causeur