Papier de Rachel Khan, comédienne
[…] Ma mère, née en 1940, d’origine juive polonaise a été cachée en France pendant la guerre. De son côté, toute la famille a été déportée. Mon père, né en Afrique, entre la Gambie et le Sénégal, deux pays musulmans, est arrivé en France juste après la colonisation (la vraie). C’est là qu’ils se sont rencontrés, aimés et qu’ils s’aiment encore.
Dans les diners en ville, on se rassure, on me rassure en me disant : “Oh! Mais quelle chance tu as, c’est super, c’est joli ce mélange !!”
Alors, moi bêtement, j’y crois à ma chance, sauf que de jour en jour, d’heure en heure… ce que je vis ne correspond pas du tout à l’expression “avoir le cul bordé de nouilles”. Mais alors pas du tout !! Plus les quenelles se multiplient, plus les nouilles disparaissent. Ca doit être plus nourrissant la haine.
Aujourd’hui, déchiquetée, écartelée, tiraillée, la France se divise et on me demande de rentrer dans une case, de faire un choix entre mon père et ma mère, entre noire et juive. On me demande de ne pas être qui je suis, de ne pas vivre qui je dois être : une afroyiddish, une Française.
Je suis le fruit de l’histoire de France, le fruit entre un peuple que l’on a voulu éradiquer et l’autre que l’on a voulu soumis à jamais. Et si mes parents s’aiment toujours c’est aussi parce que c’est cette force de vivre qui les soude contre l’intolérance profonde, l’ignorance nauséabonde. En tant qu’ancienne athlète, j’ai vu et revu la victoire de Jesse Owens aux JO de Berlin, sous les yeux d’un Hitler qui quenellait bassement. Le noir, cette sous-race, gagnait majestueusement sur les aryens. […]
Dieudonné n’est pas le représentant des noirs de France, il n’est pas non plus le chef de la jeunesse française. En revanche il est le stigmate et la conséquence de nos lacunes en termes d’égalité effective. Nous n’avons que trop peu d’artistes noirs médiatisés, je dis noir, je veux dire dans lesquelles notre jeunesse et nous-même nous reconnaissons vraiment. Nous avons un manque profond d’artistes miroirs de notre société. En effet, si nous en avions notre Denzel Washington, notre Woopy Glodberg, notre Samy Davis, notre Morgane Frieman, d’une part ils auraient réagis, d’autre part Dieudonné n’aurait pas été l’icône ultime contre un système où règne l’injustice. […]
J’ai mal, lorsqu’un noir me dit de faire un choix lorsqu’il pointe mon étoile de David en me disant que c’est une cible. J’ai mal à l’entrée d’une synagogue lorsque l’on me rejette en me disant l’on n’accepte pas les visiteurs. Les visiteurs ? Une cible ?
Mais un visiteur pour qui ? Une cible pourquoi ? Pour le FN. Oui ! Je suis une petite bâtarde, je ne suis pas de race pure… si c’est cela le problème, il faut le dire clairement mais de grâce pas de mélange avec la liberté d’expression. […]