Le niveau de contrôle des télécommunications en Turquie a atteint celui des Etats les plus autoritaires. Dans ce pays aux 33 millions de comptes Facebook, la nouvelle loi renforçant très fortement le contrôle d’Internet a été aprouvée par le président turc Abdullah Gül sous la pression d’Erdogan.
Pour apaiser les esprits, le président a promis d’amender l’article de loi qui pose le plus de problème. Celui qui pose que l’Autorité des télécommunications (TIB) turque a désormais le pouvoir de bloquer l’accès à une page en quatre heures, et sans injonction judiciaire. L’amendement proposé impose désormais à la TIB de communiquer sa décision de blocage à un tribunal, qui aura 48 heures pour se prononcer faute de quoi celle-ci sera annulée.
C’est un amendement de la loi de 2007 qui interdisait déjà les insultes au fondateur de la République turque Mustafa Kemal Atatürk, ainsi que l’incitation au suicide, à la pédophilie, à la fourniture de drogues, à la promotion de la prostitution ou aux jeux illicites. S’ajouteront les cas d’« atteinte à la vie privée », de contenus « discriminatoires ou insultants à l’égard de certains membres de la société » ou pour protéger la famille et l’enfance. Le ministre des Transports, des Affaires maritimes et de la Communication pourra lui aussi proposer directement des blocages. Ce texte autorise également le stockage des historiques de navigation des particuliers pendant deux ans. Un niveau de censure devenu proche de celui de l’Iran ou l’Arabie Saoudite.
Peut-être le plus choquants pour les Turcs, ce sont les multiples sites et plateformes (Vimeo par exemple) censurés au nom des atteintes à la vie privée. C’est l’argument employé pour interdire tous les sites hébergeant des informations, enregistrements ou vidéos dénonçant la corruption qui touche jusqu’à la proche famille du Premier ministre Erdogan.
“Les dernières dispositions ne sont pas de la censure ni une interdiction. Ce sont des mesures visant à protéger la confidentialité de la vie privée”, se défend un député AKP Necdet Unuvar sur son site personnel. Des milliers de policiers et plus de 200 procureurs ont été révoqués ou mutés depuis que l’affaire a éclaté au grand jour le 17 décembre dernier, avec l’arrestation d’hommes d’affaires et de trois fils de ministres. Les Kurdes et les homosexuels sont les autres principales cibles de la censure. Et le constat est sans appel :
En 2002, il n’y avait qu’un seul site Internet bloqué par le gouvernement turc.
En 2006 : 4 sites interdits
En 2008, après la première loi répressive : 835
En 2010 : 1667.
En 2012 : 8409, après l’ajout de 138 mots « obscènes » à bannir : Parmi lesquels « jupe », « blonde » ou « belle-sœur », des prénoms féminins ou encore le mot « interdit ».
En 2013 : 10295 sites bloqués
Début janvier 2014 : 35038
Fin janvier 2014 : 40733
L’humanité