Editorial d’Eric Decouty dans Libération intitulé «Nuisance» sur le «front républicain» de moins en moins respecté.
Dans plusieurs centaines de villes, le Front national est annoncé au second tour des élections municipales. S’il menace d’en gagner quelques-unes, le parti d’extrême droite risque, le plus souvent, d’exercer sa capacité de nuisance lors de triangulaires et d’imposer un casse-tête au PS et à l’UMP. Le front républicain décidé par les états-majors pour faire barrage au FN s’est délité au fil des scrutins et des réalités locales. Il s’est également dissous dans le rapprochement idéologique entre une frange de la droite et de l’extrême droite, esquissé par Nicolas Sarkozy lors de la dernière présidentielle et renforcé depuis deux ans par Jean-François Copé.
Et si ce front républicain reste la règle rue de Solférino, nos enquêtes montrent que nombre de candidats socialistes n’appliqueront pas les consignes nationales. Ils entendent ainsi rester au second tour au risque de faire gagner le parti de Le Pen. On peut comprendre leurs arguments face à des candidats UMP contaminés par les idées de l’extrême droite.
Ils savent aussi que, absents du second tour, les socialistes disparaissent de la scène locale pendant de longues années. Pendant six ans, des conseils municipaux seront exclusivement peuplés de la droite et de l’extrême droite. Et la gauche pourrait perdre le Sénat.
Il reste que la politique est aussi affaire de morale et de courage. Comment le PS pourra-t-il justifier avoir laissé le gouvernement de villes à un parti prêt à appliquer son programme d’exclusion et de discrimination ? Comment pourra-t-il faire sa priorité de la lutte contre le FN quelques semaines plus tard aux européennes ?
Libération