Fdesouche

Qu’est-ce que la Russie ? « Un rébus, enveloppé de mystère au sein d’une énigme » aurait dit Winston Churchill à son sujet. En 2014, on dirait bien que le mystère reste entier.

Avec :
Jean-Robert Raviot, maître de conférences à Paris X.
Tania Rakhmanova, journaliste et documentariste
Dimitri de Kochko, journaliste à « La Russie d’Aujourd’hui », président de l’Association France-Oural.

Via Theatrum-belli.org

Le point de vue de la représentation nationale sur cette question au 12 février 2014:

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGÈRES

sur la politique française et européenne vis-à-vis de la Russie

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Chantal GUITTET et M. Thierry MARIANI

Députés

INTRODUCTION 9

I. LA RUSSIE : UNE PUISSANCE STABLE, MALGRÉ LES INTERROGATIONS QU’ELLE SUSCITE 11

A. LA PERMANENCE DE SOLIDES FACTEURS DE PUISSANCE 11

1. L’héritage de l’empire des tsars, le territoire 11

2. L’héritage de la superpuissance soviétique 13

a. Le statut international hérité de la victoire de 1945 13

b. La parité de l’armement nucléaire stratégique avec les États-Unis 13

c. La puissance militaire ? 14

3. Les ressources naturelles 17

a. La première puissance énergétique du monde 17

b. Les autres ressources naturelles 19

B. LA NOUVELLE PROSPÉRITÉ RUSSE ET SES LIMITES 19

1. Une situation macro-économique satisfaisante, mais des signes de ralentissement 20

a.Une croissance rapide qui a fait de la Russie une puissance économique significative, dotée d’un revenu par habitant assez élevé 20

b. Le respect des grands équilibres 21

c. Un chômage limité 22

d. L’actualité : une économie en ralentissement 22

2. Un facteur déterminant : la dépendance à la rente énergétique 23

a. Une production d’hydrocarbures qui approche de ses limites ? 23

b. Un contexte énergétique mondial incertain 25

3. Des points forts, mais aussi des faiblesses structurelles 26

a. Les atouts hérités du passé soviétique 27

b. Des exemples convaincants d’intégration à l’économie la plus moderne 28

c. Un système financier assez solide, bien que pas encore « mature » 28

d. Une démographie fragile 29

e. Un taux d’investissement faible pour une économie émergente 31

f. De grands progrès à faire dans la « gouvernance » 31

g. Le problème particulier de la corruption 32

h. Les revers de l’immensité du territoire 32

4. Une interrogation : quelle volonté de réformer l’économie ? 33

C. UN RÉGIME QUI GARDE L’APPUI DE LA MAJORITÉ DES RUSSES 35

1. Une société qui reste en majorité attachée à des valeurs conservatrices et d’ordre 36

a. L’attachement à l’ordre et à un État fort 36

b. Le conservatisme et la relative indifférence aux valeurs démocratiques 37

2. Une contestation forte, mais pas encore d’alternative politique crédible 39

a. Une contestation qui généralement ne vise pas directement le régime 39

b. Les élections de 2011-2012 : le réveil de la contestation politique 40

c. Mais l’absence d’émergence d’une opposition politique crédible 40

3. La réaction à court terme : le durcissement du régime 42

a. La répression des manifestations consécutives aux élections 42

b. Un ensemble de lois discutables 42

c. Les procès d’opposants 44

d. Le harcèlement des défenseurs des droits humains 45

e. La persistance de violations très graves des droits humains, notamment dans le Nord-Caucase 46

f. Mais aussi quelques avancées dans la défense des droits fondamentaux 46

4. Un grand degré d’incertitude sur le moyen terme 47

D. UNE DIPLOMATIE QUI JOUE SUR TOUS LES TABLEAUX 48

1. La relation spécifique avec les États-Unis, élément de statut international 51

2. Le rapprochement avec les autres « émergents » et ses limites 52

a. Le voisinage asiatique 53

b. L’instrumentalisation des « BRICS » 55

3. L’usage politique de la puissance énergétique 57

4. Le voisinage immédiat, priorité constante 59

5. L’Union eurasiatique, une intégration régionale qui reprend partiellement le modèle européen 62

a. Les diverses tentatives d’intégration de l’espace post-soviétique 62

b. La marche vers l’Union eurasiatique 63

c. Une construction manifestement inspirée de la construction européenne 64

d. Mais une construction purement économique et technocratique 65

e. Un processus qui suscite pour le moment des jugements sceptiques 65

6. Quelle priorité à l’Union européenne et aux nations européennes ? 69

II. UNION EUROPÉENNE ET RUSSIE : LA TENTATION DE SE TOURNER LE DOS ? 71

A. LES ANNÉES 1990 ET 2000 : LE GRAND MALENTENDU ? 72

1. Une aide européenne peu efficace et parfois maladroite ? 72

2. L’établissement d’un « partenariat » au contenu ambitieux, mais aux réalisations incertaines 74

3. La persistance du réflexe de « refoulement » de la Russie 75

4. Une difficulté structurelle à établir des relations Union européenne-Russie ? 78

B. UNE RÉALITÉ, L’INTERDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE 79

1. Une interdépendance inscrite dans les faits 79

a. La Russie, premier fournisseur d’hydrocarbures de l’Union européenne 79

b. L’Union européenne, premier marché d’exportation des hydrocarbures russes 81

c. L’interdépendance commerciale globale qui en résulte 81

d. Le réseau de pipelines : une interdépendance inscrite dans la durée 82

2. Une interdépendance que les deux parties cherchent à réduire 83

a. L’Union européenne à la recherche de sources d’énergie plus diversifiées 84

b. La Russie à la recherche de débouchés à l’est 85

C. AUJOURD’HUI : UNE CONFRONTATION FIGÉE SUR QUELQUES PROBLÈMES BIEN IDENTIFIÉS 86

1. La question du cadre juridique des relations 86

a. Accord global ou accords sectoriels ? 87

b. Une autre difficulté : quel rôle pour l’Union eurasiatique dans la négociation avec l’Union européenne ? 88

2. Les relations économiques au nœud de la confrontation 88

a. Le différend sur l’application du « troisième paquet énergie » de l’Union européenne aux gazoducs de Gazprom 89

b. Les différends commerciaux 90

3. Une rivalité géopolitique qui se poursuit aux confins des deux entités 92

4. Les « valeurs » : une image dégradée de la Russie et un vrai déphasage des opinions 93

a. La dégradation rapide de l’image de la Russie en Europe 93

b. Un décalage croissant quant aux valeurs 95

c. Les engagements pris par la Russie et leurs conséquences 95

5. Un différend moins difficile, dont la résolution dépend de celle des autres points de blocage : la question des visas 96

D. UN PARTENARIAT QUI RÉPOND POURTANT AUX INTÉRÊTS DE LONG TERME DE L’UNION EUROPÉENNE 98

1. Une rivalité qui devrait s’apaiser dans le « voisinage commun » des deux partenaires 98

a. Des perspectives d’élargissement de l’Union qui s’estompent 98

b. Une Russie qui a réduit sa dépendance logistique vis-à-vis des pays du « voisinage commun » 99

2. Des complémentarités indéniables 100

3. Des intérêts de long terme qui convergent 101

III. LA FRANCE ET LA RUSSIE : UN PARTENARIAT POLITIQUE À RELANCER 103

A. UNE RELATION ANCRÉE DANS L’HISTOIRE 103

B. L’ACTUALITÉ : LA MAUVAISE IMAGE DE LA RUSSIE EN FRANCE 103

C. L’INTENSITÉ DE LA CIRCULATION DES HOMMES 105

1. La Russie, premier pays pour les demandes de visas français 105

2. La Russie, première source d’adoption internationale pour la France en 2012 106

D. DES ÉCHANGES ÉDUCATIFS ET CULTURELS TOUJOURS DENSES 107

1. Une langue française toujours attractive en Russie 107

2. Le réseau éducatif et culturel français en Russie 108

3. L’attrait de la France pour les étudiants russes 109

4. Les initiatives communes dans le domaine de la culture 110

E. UNE COOPÉRATION INSTITUTIONNELLE SOLIDE 110

F. DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES DYNAMIQUES 111

1. Un commerce bilatéral qui s’est rapidement développé 111

2. Des coopérations solides dans les hautes technologies et les domaines de souveraineté 113

3. Des flux d’investissement à rééquilibrer 114

a. La France, troisième investisseur en Russie 114

b. Des investissements russes en France encore faibles, mais en forte croissance 115

c. Des investisseurs russes mal accueillis ? 115

G. DES POINTS DE CONVERGENCE DANS LA CONCEPTION DES RELATIONS INTERNATIONALES, MAIS QUELLE VISION STRATÉGIQUE ? 116

1. Des points de convergence dans la conception des relations internationales 116

2. Des divergences dédramatisées 117

3. Mais quelle priorité à la relation avec la France pour les dirigeants russes ? 119

a. Une « relation spéciale » qui s’étiole 119

b. La priorité actuelle de la Russie en Europe : l’Allemagne 120

4. Et quelle stratégie française vis-à-vis de la Russie ? 121

CONCLUSION 123

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION 127

TRAVAUX DE LA COMMISSION 129

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 137

CONCLUSION

Après l’éclipse qui a suivi la fin de l’URSS, la Russie est redevenue une puissance qui compte, même si son avenir est entaché d’incertitudes : comment évolueront les cours des hydrocarbures, dont l’économie et le budget russes restent si dépendants ? L’essor des hydrocarbures « non conventionnels » va-t-il changer la donne ? L’économie russe parviendra-t-elle à conduire sa transition et à être compétitive pour l’« après pétrole » ? Comment va évoluer le régime politique ?

Sur ce dernier point, il faut être raisonnablement optimiste. Comme les autres économies émergentes, la Russie connaît la montée d’une classe moyenne moderne et contestataire. Et l’appartenance de la Russie à la culture européenne devrait faciliter l’adhésion croissante de cette classe montante aux valeurs européennes dominantes, même si aujourd’hui l’opinion publique russe apparaît très traditionnaliste.

La stabilisation démocratique de la Russie n’est pas seulement souhaitable sur le plan des principes. C’est aussi l’intérêt des Européens. Elle devrait permettre de parvenir à un partenariat apaisé qui reposerait sur la valorisation des interdépendances et complémentarités entre l’Union européenne et la Russie et sur la conscience de leurs intérêts communs face à la montée de la Chine et à l’instabilité récurrente du Moyen-Orient.

Pour aller vers cet apaisement, l’Union européenne et la Russie doivent sortir de la rivalité politique anachronique qui les oppose en Ukraine et dans les autres pays du « voisinage commun ».

Compte tenu de la situation intérieure de l’Union européenne aussi bien que de la situation de ces pays, leurs perspectives d’adhésion à l’Union ne sont certainement pas à court terme ; mais l’URSS ne sera pas non plus rebâtie. S’agissant spécifiquement de l’Ukraine, on peut craindre que ce pays ne soit durablement divisé entre deux camps, à peu près égaux en nombre, de « pro-européens » et de « pro-russes », le balancier politique donnant alternativement le pouvoir aux uns et aux autres. Avec la construction de nouveaux ports et de nouveaux gazoducs, le temps des « guerres du gaz » entre la Russie et l’Ukraine avec l’Union européenne comme victime indirecte (mais délibérément ciblée) devrait passer, même si, à ce jour, la plus grande partie du gaz russe continue à transiter par le territoire ukrainien.

C’est pourquoi il serait sans doute possible, s’il y avait une volonté politique, à l’Union européenne et à la Russie de trouver un compromis sur leur équilibre dans la région. Cela impliquerait qu’un ou plusieurs grands pays européens prennent le risque politique de proposer les bases de ce compromis, qui pourrait reposer sur une acceptation du renforcement des liens économiques de l’Ukraine avec l’Union européenne par la Russie en contrepartie d’un abandon explicite, et donc définitif, de la perspective d’adhésion à l’OTAN et de garanties quant au maintien de ses échanges économiques existants avec la Russie. Est-ce l’intérêt de l’Union que de maintenir un climat conflictuel avec la Russie autour de la question ukrainienne ? Est-ce servir la cause de l’Ukraine que de contribuer à y entretenir le climat de tension politique ? Comme ce pays est structurellement divisé entre des populations ayant des liens très forts avec la Russie et d’autres qui sont « pro-européennes » car viscéralement hostiles à la Russie, l’acceptation explicite par l’Union européenne et par la Russie d’une sorte de situation d’« entre-deux » de l’Ukraine constituerait probablement le geste international le plus à même d’apaiser durablement la vie politique ukrainienne.

La voie du compromis passe aussi par la reconnaissance par l’Union européenne de l’Union eurasiatique en tant que partenaire de négociation commerciale et par la suppression de l’obligation réciproque de visa avec la Russie pour les courts séjours : c’est surtout la Russie qui est demandeuse de cette suppression, mais elle est de l’intérêt des deux parties. La France, en particulier, a tout à gagner à faciliter l’entrée des touristes, des étudiants, des hommes d’affaires russes. Elle doit donc prendre l’initiative pour accélérer le processus européen de négociation sur les visas de court séjour et, dans le domaine des visas longs qui restent de la compétence nationale, faire évoluer ses pratiques et ses règles en ayant à l’esprit que c’est une véritable concurrence que se livrent les grands pays pour accueillir les meilleurs étudiants et chercheurs ou les investisseurs.

En contrepartie, la Russie devrait appliquer pleinement et de bonne foi les engagements qu’elle a pris dans le cadre de l’OMC. Elle devrait également accepter de s’engager avec l’Union européenne dans un partenariat global (plutôt que de se contenter d’accords sectoriels) en prenant en compte les complémentarités et les intérêts communs à long terme.

L’élaboration de ce grand compromis à proposer à la Russie pour relancer son partenariat avec l’Union européenne pourrait sans doute être inscrite à l’agenda franco-allemand, car les deux pays ont vraisemblablement des intérêts assez proches pour ce qui concerne les relations avec la Russie, même si la perception de ces intérêts est pour le moment brouillée en France.

En attendant, il faut certes dénoncer les atteintes aux droits de l’homme, mais il faut aussi éviter les présentations abusives. Le durcissement depuis 2012 du régime en place en Russie n’est pas l’annonce d’un retour à l’URSS, mais correspond vraisemblablement à une réaction après la démocratisation désordonnée et corrompue des années 1990 et l’expérience – modérément – « libérale » de la présidence de M. Dmitri Medvedev.

La détérioration de l’image de la Russie, générale dans les pays européens, est particulièrement forte en France. Réciproquement, l’image de notre pays s’est dégradée en Russie. Cette situation peut avoir un impact direct sur la densité de nos échanges : décisions d’investissement, flux de touristes… Si nous la laissons perdurer, elle nuira globalement à la qualité et au degré de priorité de l’ensemble des relations bilatérales, ce qui serait regrettable vu leur niveau et leur dynamisme actuels.

Enfin, en étant consciente que l’Europe occidentale vue de Moscou, c’est maintenant avant tout l’Allemagne, la France doit réfléchir à ses objectifs et à sa stratégie vis-à-vis de la Russie. C’est notamment une nécessité pour des raisons économiques : la Russie a d’énormes besoins de modernisation de ses infrastructures et d’accompagnement de la transition de son économie ; la France a la chance d’avoir déjà pu établir des projets communs dans des domaines stratégiques comme l’aéronautique, l’espace et l’armement ; nous sommes donc bien placés, mais, pour que nos entreprises aient leur part des futurs investissements de la Russie, il faudra une impulsion politique forte.

À court terme, il faut prendre des mesures pour que les investisseurs russes cessent d’avoir le sentiment de ne pas être les bienvenus en France, en particulier du fait de l’attitude de nos banques. Outre que l’investissement étranger doit être favorisé par principe, les relations économiques entre deux pays ne peuvent pas se développer correctement si les hommes d’affaires de l’un considèrent qu’ils ne sont pas bien accueillis dans l’autre.

Plus généralement, la baisse – que l’on espère momentanée – des flux commerciaux bilatéraux que l’on observe en 2013 doit nous servir d’avertissement : les références historiques, la densité des échanges humains et économiques et le niveau des coopérations institutionnelles ne suffiront pas à développer, ni même conserver l’acquis des relations franco-russes si celles-ci ne sont pas l’objet d’une priorité, articulée avec une réflexion stratégique.

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION

Préserver la qualité et la densité des relations franco-russes

● S’interroger sur les raisons pour lesquelles c’est semble-t-il en France, parmi les pays occidentaux, que l’image de la Russie s’est le plus dégradée durant les dernières années.

● Faciliter, dans le cadre des règles nationales et européennes (et dans l’attente de leur évolution), la délivrance de visas aux Russes en accentuant la politique de multiplication des sites de dépose des demandes et d’amélioration de l’accueil des demandeurs, grâce à l’externalisation.

● Dans le contexte actuel de concurrence internationale de plus en plus vive pour attirer les meilleurs étudiants, porter une attention particulière à la question des visas étudiants, compte tenu des difficultés qui sont signalées (taux de refus élevé malgré un risque migratoire faible).

● Poursuivre le développement du réseau éducatif et culturel français en Russie, y compris dans les grandes villes de province à travers les Alliances françaises, et soutenir l’enseignement d’excellence de la langue française dans les écoles russes.

● Dans un souci de réciprocité et compte tenu des positions de la langue française dans l’enseignement en Russie, veiller à conserver une offre d’apprentissage scolaire de la langue russe sur l’ensemble du territoire français ; accueillir positivement les projets culturels et éducatifs russes en France.

● Rechercher un rééquilibrage des flux d’investissements croisés entre les deux pays, en particulier en menant une analyse sur la réalité du comportement de réticence de principe qu’auraient les établissements financiers français à l’endroit des investisseurs russes.

● S’efforcer de passer un accord au niveau administratif approprié, probablement celui de TRACFIN et de l’organisme russe homologue, pour faciliter la vérification de l’origine des fonds proposés à l’investissement.

● Se positionner pour conserver les positions acquises grâce aux coopérations établies dans les secteurs de haute technologie (défense, espace, aéronautique…) et faire en sorte que les entreprises françaises bénéficient des investissements considérables que la Russie devra encore faire dans ses infrastructures ; être conscient que cela implique une impulsion politique forte et une vision stratégique, donc aussi une action au niveau de l’Union européenne.

Pour ce faire, prendre l’initiative pour relancer et finaliser le partenariat global entre l’Union européenne et la Russie

● Prendre en compte une triple réalité :

– la position de l’Allemagne sur les développements politiques en Russie a évolué à partir de 2012 et est devenue plus exigeante, ce qui devrait rapprocher ses positions sur la Russie de celles de ses partenaires européens ;

– l’Allemagne a une politique claire vis-à-vis de la Russie, formalisée dans le contrat de coalition qui guide son gouvernement actuel ; c’est une politique d’ouverture et de priorité à la Russie ;

– la France et l’Allemagne ont de fait des intérêts assez proches s’agissant de la relation avec la Russie, ce dans une Union européenne qui reste profondément divisée sur ce point.

En conséquence, inscrire la question des relations avec la Russie à l’agenda franco-allemand et prendre des initiatives communes.

● Définir une stratégie européenne unifiée et claire sur la Russie : conserver l’objectif d’un partenariat global et exigeant (comprenant notamment les questions de droits de l’homme) entre l’Union européenne et la Russie, en faisant valoir – aussi bien à nos partenaires communautaires réticents qu’à la partie russe, qui préfère les arrangements sectoriels – la puissance des complémentarités et des intérêts communs de long terme entre les deux entités.

● Engager une réflexion stratégique sur l’énergie entre l’Union et la Russie.

● Promouvoir la reconnaissance de l’Union eurasiatique comme partenaire de négociation de l’Union européenne dans les champs où elle est compétente (commerce, plus généralement économie).

● Promouvoir dans les instances européennes la suppression progressive de l’obligation de visa « Schengen » pour les courts séjours des Russes dans l’Union (et réciproquement).

● Prendre également des initiatives dans le champ strictement politique :

– relancer les tentatives de dialogue euro-russe dans le domaine de la politique étrangère et de la sécurité, telles que le processus dit de Meseberg ;

– chercher à formaliser les conditions d’un compromis géopolitique sur les pays du « voisinage commun », car l’instrumentalisation politique de cette zone crée des tensions inutiles et nous avons intérêt à inclure la Russie dans les discussions concernant le partenariat oriental aussi bien que les perspectives de l’OTAN. L’Union européenne ne peut pas ignorer l’importance économique et stratégique de la fédération de Russie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission examine le présent rapport d’information au cours de sa séance du mercredi 12 février 2014.

Après les exposés des co-rapporteurs, un débat a lieu.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je vous remercie pour votre rapport. Je voudrais vous poser quelques questions. Tout d’abord, j’ai relevé que Laurent Fabius a dit à plusieurs reprises, dont une ici même, qu’il existait au niveau international un prix du pétrole qui assurait l’équilibre du budget en Russie. Pourriez-vous nous le préciser ? Quelle analyse faites-vous des relations entre la Russie et la Pologne ? S’agissant de la suppression des visas, quels sont les pays de l’Union qui bloquent les discussions ? Enfin, pourquoi TRACFIN ne veut-il apparemment pas signer d’accord de coopération avec les autorités russes ?

M. Jean Paul Bacquet. Chantal Guittet disait à l’instant que la Russie avait hérité de certains points forts de l’ex-URSS. Mais le domaine de la santé publique n’a pas été évoqué. L’URSS était le pays qui avait le meilleur taux de couverture vaccinale au monde, qu’en est-il aujourd’hui ? Quid de l’évolution de la démographie, de la durée de vie ? Malgré l’alcoolisme qui est un problème fort connu, il semble que l’espérance de vie augmente en Russie.

Le rapport évoque par ailleurs le « grand malentendu » entre l’Union européenne et la Russie, et c’est le moins qu’on puisse dire. Cependant, certains ont bien tiré leur épingle du jeu dans ce contexte – je pense évidemment à l’Allemagne – pendant que d’autres ont été relativement marginalisés – en l’occurrence la France. Pour le commerce, domaine où la Russie offre des opportunités très fortes, nous partons donc avec un train de retard.

Il y a enfin le problème de la « Russie mal-aimée ». Je suis persuadé que sur les 65 % où 70 % des français qui disent ne pas aimer la Russie, 95 % ne savent pas pourquoi. En fait, à travers le personnage de Vladimir Poutine, c’est encore le procès de l’URSS que l’on fait a posteriori. L’opinion publique française analyse toujours les événements avec une certaine latence. Le grand malentendu reste l’épisode Gorbatchev. La France, qui avait été si prompte à dénoncer le régime communiste, est restée passive et indifférente face à l’immense bouleversement qui se produisait. Elle n’a apporté aucune aide particulière à ceux qui cherchaient la liberté et cela n’est pas sans conséquence aujourd’hui sur notre commerce extérieur.

M. Pierre Lellouche. Effectivement, le désamour français pour la Russie devient préoccupant politiquement. Alors que nous sommes massivement supplantés par l’Allemagne, qui pour des raisons historiques a toujours eu une place très forte en Russie, le discours « anti-poutinien » ambiant ne facilite pas les choses. La France devrait être en mesure d’avoir de bonnes relations avec les États pour lesquels elle n’a pas d’affinités spécifiques : si nous ne devions discuter qu’avec les partenaires que l’on aime, le cercle serait bien restreint. Sur au moins deux affaires lourdes, le non-dialogue avec Moscou pose un problème : la Syrie et maintenant l’Ukraine. On ne trouvera pas de sortie de crise en Ukraine sans avoir de dialogue avec Moscou. L’Ukraine a droit à l’indépendance et nous devons aider les gens qui se battent sur la place Maidan. Les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne ont enfin émis, lundi dernier, un communiqué dans lequel il est enfin fait référence au traitement épouvantable des prisonniers politiques en ce moment. Mais je regrette que dans ce communiqué, à aucun moment, il ne soit fait référence à la Russie. Nous avons un pays qui n’aime pas la Russie, en même temps nous n’avons aucun dialogue avec elle et sur l’Ukraine la France ne dit rien. Il faut infléchir cette politique.

Mme Danielle Auroi. Quelle que soit la situation des droits de l’homme en Russie, ce n’est pas pire qu’en Chine. Nous avons en France, je le crains, un tropisme un peu trop développé envers la Chine. Il est normal de chercher à avoir de bons rapports avec les grands pays, mais cela ne justifie pas tout.

Dans un tout autre domaine, j’insiste sur le fait que la Russie refuse de respecter les dispositions du 3ème paquet énergie-climat de l’Union européenne. C’est une affaire européenne et c’est à l’Union d’en discuter avec la Russie, dont rien ne justifie qu’elle puisse imposer unilatéralement sa volonté, mais nous devons faire office de facilitateur dans ce dialogue.

Sur l’Ukraine, nous devons veiller à ne pas rompre le dialogue avec la Russie, mais sans oblitérer le fait qu’il y a de réels problèmes de droits de l’homme en Russie. Il y a des situations scandaleuses. Les pistes à Sotchi ont parfois été construites par de véritables esclaves modernes. Il y a aussi le traitement réservé aux personnes LGBT. On doit pouvoir être dans un dialogue exigeant et équilibré sur ces questions, même si c’est difficile au niveau européen en l’absence d’un véritable ministre européen des affaires étrangères, ce que n’est pas la Haute représentante Catherine Ashton.

Enfin, sur l’adoption, une des exigences de la partie russe, évoquée lorsque nous avons discuté du traité, était le suivi des enfants jusqu’à la majorité : où en sommes-nous sur cette question ?

M. Alain Marsaud. Ma première question, qui a déjà été évoquée, porte elle aussi sur le prix du pétrole. Que se passerait-il aujourd’hui en matière économique si le prix du baril de pétrole était très différent ? La Russie pourrait-elle encore conserver les illusions qu’elle entretient sur son économie, continuer à se targuer d’une balance commerciale excédentaire ?

Vous nous avez décrit les succès économiques et diplomatique que l’Allemagne a engrangés par rapport à la France. Est-ce qu’ils ne viennent pas tout simplement du fait que les Allemands développent une realpolitik à l’égard des Russes tandis que notre politique ne porte que sur les droits de l’homme ?

M. Paul Giacobbi. Mes collègues ont souligné le paradoxe de nos relations avec la Russie. Je rappelle que la Russie est sur le plan politique un allié très ancien. Nous avons ouvert nos relations diplomatiques en 1717 et nous avons été alliés pendant les deux Guerres mondiales. La culture française en Russie est incroyablement développée : les premiers mots de Guerre et Paix, le monument mondial de la littérature russe, sont en français et c’est un Marseillais, Marius Petipa, qui a fait la grandeur des balais russes. Or, il y a malgré tout une haine stupéfiante vis-à-vis de la Russie et de son gouvernement actuel. Si on fait le parallèle entre la Chine et la Russie, on se doit de reconnaître qu’il y a au moins en Russie des élections et des lois, bien qu’elles soient perfectibles, alors qu’en Chine il n’y a pas d’élections, ni de lois ou de tribunaux au sens où nous l’entendons. Nous passons beaucoup plus de temps à critiquer la Russie que la Chine alors qu’aucune comparaison n’est possible, car s’il y a des problèmes juridiques identifiés en Russie, la Chine reste un État de non-droit total.

Ma question porte sur la criminalité organisée russe et les risques qu’elle présente sur notre sol, notamment sur la Côte d’Azur. Fait-elle l’objet d’une coopération ?

M. Philippe Cochet. J’aimerais savoir, vu de Russie, quelle est le jugement porté sur la politique de la France. Par ailleurs, quels sont aujourd’hui les partenaires prioritaires de la Russie ? Enfin, quel est l’état de l’Armée rouge ?

M. Jacques Myard. La Russie fait partie intégrante du système européen. À ce titre, je déplore que l’on conduise notre politique étrangère en fonction de débats internes. Les Allemands ont bien compris que c’était la pire façon de faire en politique étrangère. Et souvent ils mettent avant tout la volonté de faire du commerce. Il est clair que nos intérêts sont d’avoir la meilleure relation possible avec la Russie en l’associant aux négociations conduites pour la résolution de la crise ukrainienne. On a intérêt à conserver la Russie dans notre système de relations extérieures.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Ma question porte sur le détail de la politique de voisinage qui unit l’Europe à la Russie et sur les crédits engagés dans cette perspective, en particulier concernant l’enclave de Kaliningrad.

Je voudrais par ailleurs revenir sur mon expérience de membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Nous avons reçu en septembre le président de la Douma à Strasbourg. J’ai été surpris par l’extrême rudesse des échanges avec nos collègues russes sur les droits de la communauté LGBT. Ce n’est pourtant pas un sujet mineur, et ce non seulement à l’occasion des Jeux olympiques de Sotchi, mais parce que la Russie appartient au Conseil de l’Europe et est liée par la Convention européenne des droits de l’homme. La Russie a du chemin à accomplir pour assurer le respect des droits des minorités sexuelles et ce n’est pas critiquer ce pays que de le rappeler.

Mme Chantal Guittet, co-rapporteure. Le prix du pétrole qui équilibre le budget fédéral russe est d’environ 110 dollars. Ce prix a doublé de 2007 à 2012 et la dépendance de l’économie russe à la balance énergétique pose évidemment question en cas de retournement des prix des hydrocarbures.

Concernant les droits de l’homme, il faut en parler avec les autorités russes. Une des qualités des Russes est ce que l’un de vous a qualifié de « rudesse », c’est-à-dire le fait qu’ils disent ce qu’ils pensent sans détour. Ils aiment le dialogue franc et direct et acceptent que l’on puisse ne pas être d’accord avec eux. Ils disent qu’en matière de droits de l’homme, ils ont une conception différente de la démocratie. C’est certes une façon de détourner le sujet, mais cela nous rappelle qu’un partenariat signifie avoir des objectifs communs, mais aussi des divergences à dépasser.

Concernant la population, la démographie russe a été longtemps inquiétante, avec une mortalité élevée et une natalité faible. L’indice synthétique de fécondité s’est relevé à 1,7 enfant par femme et 300 000 migrants arrivent en Russie chaque année, surtout en provenance du Caucase et d’Asie centrale – plusieurs millions d’étrangers vivent en Russie –, tandis que les Russes sont beaucoup moins nombreux qu’avant à quitter leur pays. Il ne fait pas de doute que la Russie ne peut pas faire autrement que d’être une terre d’immigration.

Le système de santé a connu des évolutions. Les Russes étaient très forts dans certaines spécialités, comme l’oto-rhino-laryngologie (ORL), mais la santé est devenue moins prioritaire que le réarmement et le service public de santé s’est dégradé. L’Organisation mondiale de la santé relève aussi des manques dans le traitement du sida et de la tuberculose, ce qui a un lien avec l’attitude vis-à-vis des homosexuels en Russie.

L’adoption d’enfants russes en France demeure un vrai sujet. Il semble que beaucoup de dossiers se débloquent et je reçois de nombreuses lettres de remerciements adressées à notre commission pour avoir accéléré le processus. Ce qui ne se débloquera pas, c’est que les célibataires ne pourront plus adopter : j’ai été informée d’enfants déjà « apparentés » avec des célibataires qui ont été ré-attribués à une nouvelle famille, russe cette fois, avec une incitation financière. Mme Mizoulina, la présidente de la commission des affaires sociales de la Douma, m’a indiqué que la politique russe consistait désormais à limiter l’adoption d’enfants russes hors des frontières pour que ces enfants restent en Russie, ce qui est tout à fait compréhensible. Pour ce qui est du suivi, l’inquiétude des Russes est qu’un enfant abandonné puisse être confié ensuite à des homosexuels. J’ai expliqué la procédure de placement des enfants en France, le rôle des institutions, du juge des enfants, de sorte que ce genre de situations n’arrivera pas, mais qu’un suivi jusqu’à la majorité est ingérable et risque d’entraîner un rejet par les enfants de leur pays d’origine. Mme Mizoulina m’a dit que le souhait était que ce suivi soit limité à des cas de figure très exceptionnels au-delà des trois premières années. Qu’est-ce qu’il faut entendre par là ? Nous sommes convenus de nous revoir dans un an à ce sujet et il est important que cette nouvelle rencontre ait lieu.

M. Thierry Mariani, co-rapporteur. Les relations russo-polonaises se sont améliorées à partir de l’accident d’avion du président polonais à Smolensk. Il y a depuis peu un accord entre les deux pays qui permet, avec un système de cartes de circulation, à 100 000 Russes et à 30 000 Polonais de passer librement la frontière, ce qui permet le développement des échanges économiques.

Qui bloque au niveau européen ? À l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, il est intéressant de voir l’attitude des Baltes et de certains pays de l’ex-glacis soviétique, lesquels, dès que l’on parle de la Russie, bloquent. Quand on évoque les droits des personnes LGBT en Russie, on ne doit pas oublier que de l’autre côté des citoyens de l’Union européenne sont privés du droit de vote : c’est le cas en Lettonie de plusieurs centaines de milliers de non-lettons, sur la base d’une conception quasiment raciale. Ces personnes n’ont même pas de passeport. On doit être exigeant envers la Russie, mais on devrait aussi être plus exigeant envers certains États européens.

Mme Danielle Auroi. Et les Roms ?

M. Thierry Mariani, co-rapporteur. Dans le cas de la Lettonie, les personnes concernées sont privées de passeport !

En ce qui concerne TRACFIN, je ne sais pas pourquoi il n’y pas d’accord. Plus généralement, dès qu’on parle de capitaux russes, il y a blocage. Regardez le principal projet d’investissement russe en France : les tours Hermitage. Il semble que les banques françaises ne veuillent pas le financer et ce sont les banques allemandes qui sont plus actives sur ce projet.

Comme l’a dit Chantal Guillet, la démographie russe repart. Je vous invite à aller sur le blog d’Alexandre Latsa où il y a une très bonne étude sur ce sujet.

La presse est libre en Russie. On peut écrire ce qu’on veut même si, c’est vrai, il peut y avoir des conséquences ensuite. En tout cas, on ne peut pas comparer la Russie et la Chine. En Russie, il n’y a aucune censure préalable, aucun filtrage sur Internet, alors qu’en Chine, je suis obligé d’utiliser un dispositif « VPN » pour accéder librement au réseau. Il y a une hiérarchie à faire entre les pays sur ces questions de libertés.

La criminalité russe en France est essentiellement caucasienne, hormis peut-être les investissements immobiliers sur la Côte d’azur.

L’augmentation du budget militaire est beaucoup plus rapide en Chine qu’en Russie et ce pays n’est donc plus qu’au troisième rang mondial à cet égard. Quant à la valeur de l’armée russe, les chercheurs sont dubitatifs et le président Poutine lui-même a déclaré que « la qualité recherchée n’a pas atteint partout le niveau idéal ». En 2008, contre la Géorgie, l’armée russe n’a pas été d’une efficacité rêvée. De nombreuses réformes ont été engagées concernant l’armée et l’industrie d’armement.

Mme Chantal Guittet, co-rapporteure. J’ai récemment rencontré l’amiral Rogel, chef d’état-major de notre marine. Il m’a fait part de la qualité croissante des rapports entre les armées des deux pays. Les réflexes de la guerre froide commencent à disparaître entre la France et la Russie. Lors des opérations de contrôle entre navires français et russes au large de la Syrie, ces derniers tournent systématiquement leurs canons de l’autre côté en signe de confiance, ce qui est un comportement nouveau. L’amiral m’a donc fait part de son optimisme. Les Russes commencent à envisager de participer à des opérations extérieures à nos côtés, pour autant que cela se passe dans un cadre conforme à leur conception de la non-ingérence dans les affaires des États.

M. Thierry Mariani, co-rapporteur. Pour ce qui est de l’image de la France en Russie, il se trouve que je vais en URSS depuis 1976, ce une dizaine de fois par an ; nous y bénéficions toujours d’un capital de sympathie, mais notre image commence à dater et donc s’érode. C’est un peu la sympathie que l’on a pour un vieil amant, mais la fougue de la jeunesse s’est émoussée… Il y a toujours une affection naturelle, mais pas forcément suivie d’effet, malgré les efforts de certaines entreprises françaises, et l’on est derrière les Allemands. Pour dire les choses simplement, les Russes font du business avec l’Allemagne et viennent en vacances en France, s’ils réussissent à obtenir un visa.

Sur l’Ukraine, l’UE a totalement raté le coche. Elle a proposé 700 millions quand la Russie a mis sur la table 15 milliards. Notre réponse n’est pas à la hauteur des enjeux, aussi bien politiques qu’économiques. C’est ainsi qu’en décembre dernier, le président Barroso a refusé la suggestion russe d’un dialogue à trois, Europe, Russie et Ukraine. En outre, s’il y a des pressions russes sur l’Ukraine, qui sont dénoncées à juste titre, il ne faut pas oublier qu’il y en a aussi d’autres. Je vous renvoie aux propos de cette diplomate américaine rapportés il y a quelques jours : on en a principalement retenu la grossièreté vis-à-vis de l’Union européenne, mais il faut surtout écouter le reste, où cette personne explique quels responsables de l’opposition devraient ou non participer au futur gouvernement ukrainien : quelle ingérence !

Mme la présidente Elisabeth Guigou. L’intéressée, qui est une partisane de l’ancienne administration du président Bush, a été démentie par le Département d’État et il sera intéressant de voir ce qui s’ensuivra pour elle.

Cela étant, je partage l’idée que l’Union européenne a tout faux. Y a-t-il en Europe des États membres qui souhaitent toujours l’adhésion de l’Ukraine à l’Union ? Je me souviens que lors de la Révolution orange, certains disaient qu’elle devait adhérer toutes affaires cessantes. Qu’en est-il aujourd’hui, en particulier s’agissant de la Pologne ?

M. Thierry Mariani, co-rapporteur. Tout le monde est d’accord sur la vocation européenne de l’Ukraine. Pour voir quels sont ceux qui poussent en faveur de son adhésion, regardez ceux qui se montrent sur la place Maidan : des Polonais, des Suédois, des Baltes. C’est-à-dire ceux qui sont dans l’environnement géographique proche et y ont donc tout intérêt, car l’adhésion de l’Ukraine éloignerait un peu la Russie. De même, au Conseil de l’Europe, ceux qui ont été en faveur du Partenariat oriental rajoutent aujourd’hui de l’huile sur le feu sur le dossier ukrainien. À Bruxelles, lorsque nous avons demandé pourquoi l’accord de partenariat avec la Russie n’était pas relancé, alors que l’accord précédent est expiré depuis plusieurs années, on nous a fait sentir que notre question était incongrue. Clairement, le dossier n’est pas à l’ordre du jour de l’Union européenne.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Lors de la prochaine audition de Laurent Fabius, il faudra que nous abordions la question de l’Ukraine.

assemblee-nationale.fr

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