Extraits d’une tribune du Père Antoine Guggenheim publiée dans le hors-série des Études du CRIF anniversaire des 70ans du CRIF : «Ce qu’est pour moi le CRIF»
La présence des Juifs en Allemagne, et dans les pays d’Europe centrale et orientale, est maintenant réduite à l’état de traces. Aujourd’hui semble naître un nouveau rapport avec la culture juive européenne, fait d’estime et de nostalgie. Mais en France, par un concours de diverses circonstances liées à son histoire et à son esprit, la présence juive, bien que très diminuée, atteint un niveau qui lui permet d’exister comme une réalité dans l’espace publique.
Réfléchir à la France, à sa place singulière en Europe et dans le monde, à ses difficultés comme à ses espérances, sans tenir compte de ce fait constituerait une erreur politique, économique et culturelle. Ce qu’est le CRIF apparaît aussitôt à mes yeux, ou en tout cas une partie essentielle de sa mission. […] La mission du CRIF est de valoriser et de protéger cette présence pour le bien des Juifs français et pour le bien commun de la nation. […] Le CRIF a un rôle de représentation, de cohésion et d’intervention au service des Juifs français, afin qu’ils exercent leur responsabilité de citoyens. Il ne suffit pas au bien commun de la France et des Juifs de France qu’existent des institutions républicaines chargées de veiller sur les Droits de l’homme, ou des instances spirituelles qui favorisent le dialogue et la liberté religieuse.
Il faut, pour répondre à une phrase célèbre*, que ne soit pas dénié aux Juifs comme membres d’un peuple ce qui leur est accordé comme individus.
*«Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout accorder aux Juifs comme individus». Discours du Comte de Clermont-Tonnerre à l’Assemblée, décembre 1789 [NDLR]
La citoyenneté n’exclut pas la diversité d’appartenance nationale.
Cela est vrai pour la France et peut donner à penser, avec liberté, aux voies de l’intégration dans le modèle national des populations récemment immigrées, et souvent en manque de reconnaissance. Cela éclaire aussi l’avenir de l’Europe des nations, qui sera sûrement marqué par une convergence plus forte, qui ne doit pas affaiblir l’identité et la mémoire des peuples européens, mais les garantir comme des trésors spécifiques et communs. Que l’Europe ne soit elle-même qu’en reconnaissant la place et la contribution des Juifs en son sein peut aussi affermir la conviction des peuples que l’Europe unie est aujourd’hui une valeur spirituelle importante pour eux et pour l’humanité globalisée.
Crif